Le superbe musée Sursock rouvre ses portes jeudi à Beyrouth avec l'ambition de changer le regard des Libanais sur l'art en les attirant avec des activités interactives et ludiques.

Cet hôtel particulier érigé au début du XXe siècle dans un quartier résidentiel de la capitale libanaise était fermé depuis huit ans pour d'importantes restaurations.

Il propose, pour sa réouverture, des expositions rendant hommage à l'art libanais, avec des photos sur le Moyen-Orient réunies par le collectionneur Fouad Debbas et des peintures abstraites des années 1960, l'âge d'or du pays du Cèdre.

À l'extérieur, une arche sous deux grands escaliers monumentaux s'ouvre sur une mezzanine où le musée a l'intention d'organiser des activités inhabituelles au Liban.

«Pour beaucoup de gens un musée est un lieu de visite, un espace pour le regard. Nous espérons que celui-ci sera plus que cela et qu'il y aura une place pour l'interaction», annonce le président de Sursock, Tarek Mitri.

Le musée a ainsi programmé des visites nocturnes dans les rues de la capitale guidées par des artistes locaux ou des classes de photos pour des adolescents.

Ces projets sont une nouveauté salutaire pour les Beyrouthins car leur ville ne compte qu'une poignée de musées et très peu d'espaces publics.

«Bien que nous soyons un musée, nous devons être perçus comme un espace d'échanges et de rencontres. Il manque à Beyrouth des espaces publics, des espaces où l'on peut se chamailler, où on peut s'exprimer sans que cela ne se transforme en conflit», explique la directrice du musée Zeina Arida.

Le musée Sursock a ouvert ses portes en 1961, conformément à la volonté de son propriétaire Nicholas Sursock de voir sa demeure devenir un lieu d'exposition après sa mort.

«Ce musée a été très actif depuis son ouverture jusqu'au début de la guerre civile» en 1975, exposant des artistes locaux et internationaux, souligne la directrice. Il était notamment célébré pour son «salon d'automne», où concouraient les artistes présentant leurs dernières oeuvres. Le musée a d'ailleurs l'intention de renouer avec cette compétition en 2016.

L'art avec légèreté

«Nous devons faire en sorte que l'approche à l'art contemporain soit légère. Les gens se rendent au musée pour apprendre mais aussi pour le plaisir, pas pour s'ennuyer», explique Zeina Arida.

Des classes de jardinages et des groupes de discussion, notamment sur les espaces publics, seront organisés durant les trois premiers mois.

Pour préserver l'architecture originale du bâtiment construit en 1912, les architectes ont fait creuser un sous-sol de 20 mètres, qui accueille la librairie, l'auditorium, des espaces d'exposition et des salles de conservation et de restauration.

L'une des ambitions du musée Sursock est de témoigner de «l'histoire de l'art à Beyrouth», souligne la directrice des collections Yasmine Chemal.

Ainsi l'exposition Regards sur Beyrouth, 160 ans d'images de 1800 à 1960 retrace à travers 200 photos, peintures et dessins la transformation d'une petite ville côtière en une cité bourdonnante et cosmopolite dans les années 1960. Beyrouth reste aujourd'hui considérée comme l'une des villes les plus ouvertes et tolérantes du Moyen-Orient.

La propre architecture du musée témoigne de l'évolution de la ville, avec ses couloirs aux lignes pures irisés par des vitraux restaurés qui conduisent à des salons aux bois travaillés dans le style arabe.

«Un musée doit refléter la société dans lequel il se trouve. Il doit l'être pour rester pertinent, pour participer activement à la société civile. L'art, ce n'est pas seulement ce que vous voyez au mur. C'est aussi une manière de voir le monde», résume Nora Razian, responsable des activités au musée.