À 90 ans, le peintre automatiste Marcel Barbeau peint et expose toujours ses oeuvres. Avant de présenter une exposition à caractère rétrospectif à la galerie Michel-Ange, à Montréal, il présente jusqu'au 11 octobre quelques jalons de ses périodes de création à la galerie Michel-Guimont, à Québec.

Aller à la rencontre des oeuvres de Marcel Barbeau est un acte de réjouissance, de recueillement et de célébration de la mémoire.

Marcel Barbeau est une part de nous-mêmes. De notre histoire. De notre éveil. De notre désir d'expression. De cet inaliénable besoin de nous renouveler, d'expérimenter, de défier les contraintes, les malheurs, les frontières et la mort. Le mystère de la peinture de Barbeau, sa mise au point, son inspiration, son onirisme, tout cela est du même souffle que la vie d'ici. Ici et maintenant. Ici et hier.

Alors, quel bonheur que de s'asseoir dans la galerie de Michel Guimont, sise dans la basse-ville de Québec, et de regarder les oeuvres du peintre montréalais nous parler d'histoire, de passion et de quête.

Photo Guillaume D. Cyr, fournie par la galerie Michel Guimont.

Mont Loup-Garou, 2008, de Marcel Barbeau, acrylique sur toile, 50,8 cm x 61 cm.

Photo Daniel Roussel, fournie par la galerie Michel Guimont.

Brisant le moule, 1962, de Marcel Barbeau, acrylique sur toile, 61 cm x 45,7 cm.

Réalisées pour la plupart de 1989 à 2015, les oeuvres choisies ont été placées de façon à créer un bel équilibre spatial pour permettre au visiteur de les apprécier, les soupeser, les comparer. Barbeau n'exagère pas. La fougue n'est pas l'outrance. Il pondère, cherche l'harmonie, le contraste, les reliefs, une émotion globale qui s'extirpe de ses géométries, de ses nuages, de ses petites et grandes taches ombrées et colorées.

Ode au mouvement 

Et puis, il y a le mouvement et l'espace, cette impression du geste qui se poursuit. On contemple son acrylique Présence avec ses couleurs pures (dégradés de vert, de jaune et de rouge vif) sur fond doux bleuté, une anaconstruction créée en 2001, et l'on sent que les formes géométriques vont effectuer une rotation dès qu'on aura la tête tournée!

C'est la signature motrice de Barbeau, la réalité énergétique des cadeaux qu'il s'est donnés à lui-même.

La galerie expose aussi quelques oeuvres anciennes de Marcel Barbeau, provenant de son atelier, notamment de 1957, avec ses taches noires sur fond blanc qui rappellent Borduas, mais qui sont reliées à ses observations microscopiques dans les années 50, expliquait jeudi sa conjointe Ninon Gauthier. Des oeuvres anciennes, notamment sur papier, qui permettent de voir évoluer le langage de l'artiste avant-gardiste.

On peut aussi profiter des talents de sculpteur de Marcel Barbeau, nourri à cet art par Elzéar Soucy. La galerie présente une des sculptures de sa série Portique, de 1989, une étude en aluminium peint créée pour une déclinaison monumentale. Mais l'on a si peu de grandes sculptures de Marcel Barbeau dans notre espace public...

Autre attrait pictural chez Michel Guimont, la grande et lumineuse acrylique de 1,50 m X 1,50 m de sa période Bagnolet de 2007 intitulée Juillet tranché dans le fruit, comme dans le poème de Marie Uguay. Et puis deux autres peintures de 2008, Mont Loup-Garou 1 et 2, qui rappellent son Escales de 1981, tirée de sa période tachiste de Saint-Irénée, avec ses grandes taches colorées parsemées de petites touches des mêmes couleurs en rappel. Des oeuvres harmonieuses et douces malgré le recours aux couleurs vives.

Une façon de créer qu'il poursuit avec Le fleuve allonge la rive, acrylique peinte cette année dans laquelle on retrouve la jeunesse du style de Barbeau, avec ses taches et ses drippings qui n'ont plus d'âge. Une oeuvre synthèse d'une vie de recherche.

La visite est une errance tranquille dans l'univers libertaire de ce peintre qui est parvenu à s'imprégner tout en se détachant, à s'inspirer tout en se dégageant. Un peintre libre qui a puisé dans les couleurs une énergie et une volonté qui cachaient bien des souffrances.

On aura le grand bonheur de poursuivre, dans quelques jours à Montréal, cette balade gratifiante au coeur des paysages spontanés, universels et éternels de Marcel Barbeau.

À la Galerie Michel Guimont (273, rue Saint-Paul, Québec) jusqu'au 11 octobre