Guitares et violons cubistes en lames de métal, têtes monumentales et bustes de femmes aux yeux disproportionnés en plâtre: la plus grande exposition consacrée aux sculptures de Picasso depuis 50 ans aux États-Unis s'ouvre lundi au Musée d'art moderne (MoMA) de New York.

Quelque 140 oeuvres créées sur une période de 60 ans y seront présentées jusqu'au 7 février 2016.

Vu la variété des styles, «il est parfois difficile de croire que c'est le même artiste d'une salle à l'autre», commente une commissaire de l'exposition, Ann Temkin.

Beaucoup des pièces présentées dans Picasso Sculpture ont pu être réunies grâce à des prêts de collections publiques et privées aux États-Unis et à l'étranger. Presque un tiers proviennent du musée national Picasso de Paris.

«Beaucoup de ces prêts ont été essentiels pour rendre cette exposition possible», souligne le directeur du MoMA, Lenny Lowry.

Elle va de 1902 et des premières oeuvres de l'artiste en bronze, bois et plâtre, jusqu'à ses sculptures en lames métalliques de la période 1954-1964. Elle présente aussi sa période cubiste, les années d'avant-guerre (1930-1936) au château de Boisgeloup près de Paris, la période de la Seconde Guerre mondiale, et ses oeuvres créées ensuite à Vallauris et Cannes, dans le sud de la France.

Pablo Picasso (1881-1973) était reconnu de son vivant comme l'un des plus grands maîtres de la peinture du XXe siècle, mais ses sculptures, réalisées par étapes, sans continuité, sont restées quasi ignorées du grand public jusqu'à sa mort, explique une autre commissaire de l'exposition, Anne Umland.

«Picasso a gardé ses sculptures toute sa vie. Ce n'est vraiment qu'au moment de sa mort qu'elles ont commencé à quitter son studio, pour des collections publiques et privées», ajoute-t-elle.

Le MoMA s'y est intéressé très tôt et possède aujourd'hui «la collection de sculptures de Picasso la plus complète» après le musée de Paris.

Miracle

L'exposition permet de découvrir des oeuvres caractéristiques de l'artiste, comme ses instruments de musique de la période cubiste ou ses femmes aux visages disproportionnés.

Mais elle en révèle d'autres, moins connues, comme le bronze Tête de mort (1941) ou Le Monument à Apollinaire, créé à la fin des années 1920 pour un concours visant à embellir la tombe de l'écrivain français, mais finalement non retenu.

L'exposition compte aussi ce qu'Ann Temkin qualifie de «miracle»: la réunion, pour la première fois, de six «verres d'absinthe» en bronze peint, créés en 1914 par l'artiste, et qui avaient été dispersés au début de la Première guerre mondiale.

Parmi les autres oeuvres phares, cinq sculptures que Picasso avaient présentées avec sa célébrissime toile monumentale Guernica à l'Exposition universelle de Paris en 1937, dont le bronze Femme au vase (1933), créé à Boisgeloup.

Les baigneuses (1956), six figures en bois, sont également exposées, prêtées par la Staatsgalerie de Stuttgart en Allemagne.

Selon Mme Temkin, Picasso avait été influencé dans son développement artistique par une visite au musée d'ethnographie de Paris en 1907, où il avait vu dans des figures et masques venus d'Océanie et d'Afrique «une présence magique et une sorte de charisme», qu'il avait ensuite cherché à reproduire dans ses oeuvres.

D'après la commissaire, la sculpture était un art qui convenait bien à la nature «agitée et impatiente» de Picasso, lui permettant de s'arrêter et de reprendre une oeuvre n'importe quand, à l'opposé de la peinture qui demande plus de préparation.