Devenu un des plus grands artistes visuels canadiens, le graveur et peintre Louis-Pierre Bougie est incontournable depuis deux ans. Après des expositions au Centre d'archives de Montréal, au 1700, La Poste, au Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul et à l'Atelier Circulaire, l'Université de Sherbrooke présente Allers-retours, une exposition à couper le souffle.

L'existence. La vérité. La souffrance. Le combat. Le courage. Louis-Pierre Bougie écrit à la pierre noire les expressions de la vie. Et on ne se lasse pas de son alphabet. Surtout quand on découvre, à chacune de ses expositions, un angle pour évoquer son travail, ses inspirations, sa démarche artistique et ses goûts.

Il était logique de se rendre au pavillon Irénée-Pinard de l'Université de Sherbrooke, où la galerie d'art du Centre culturel présente une exposition sous le commissariat de Geneviève Bougie. La nièce de l'artiste y signe un déploiement bien agencé, avec un regard éclairant sur le travail de Louis-Pierre Bougie.

Il s'agit d'un assortiment de pièces anciennes (1980-2000) et d'oeuvres plus récentes accompagnées de quatre livres d'artistes. Le tout est présenté sur le thème des allers-retours. Aller-retour, car le graveur collabore en permanence avec ses amis imprimeurs, mais aussi à cause de ses pérégrinations artistiques de par le monde.

On peut ainsi admirer des oeuvres réalisées à l'occasion de ses voyages en Europe dans les années 80 (quand il est allé à la rencontre des maîtres imprimeurs des ateliers Champigny, Lacourière-Frélaut ou encore René Tazé), de même que des estampes reliées à ses séjours et résidences artistiques en Amérique du Sud ou à New York.

De la période parisienne, Geneviève Bougie a choisi de montrer quelques oeuvres déjà vues au centre d'art 1700, La Poste en 2013. Notamment La course des garçons de café, une eau-forte et taille-douce sur papier de 1981, empreinte d'humour et de surréalisme.

C'est avec grand bonheur qu'on découvre la série de trois «pierres noires sur papier» intitulée Sans titre, Paris et non datée. Trois oeuvres sombres et théâtrales où Bougie esquisse et suggère avec raffinement les contours de l'âme humaine.

Nous avons beaucoup aimé son oeuvre au burin de petite taille et très puissante World Trade Center, une création prémonitoire de 1996, avec ces deux bras (placés en parallèle et verticaux comme les funestes tours jumelles) qui semblent appeler au secours et cette tête d'homme qui crie.



Football américain


De ses allers-retours à New York, on retient aussi son estampe à la pierre noire et acrylique intitulée Le coup d'envoi, un dessin qui renvoie au botté d'engagement d'une partie de football. L'athlète des Giants ou des Jets est ici représenté dans une tenue de sportif d'Olympie en plein effort.

On retrouve ce type de personnage mêlé à des végétaux et à des évocations de la gémellité, de la naissance et du destin dans Suite rouge, 1996, une fresque narrative exécutée à la pierre noire, acrylique et gesso sur papier.

Le travail de l'artiste semble se complexifier et se diversifier dans Le paysagiste, une oeuvre créée en 2005 sur papier marouflé. Une oeuvre riche d'équilibre des teintes, de suggestion et de texture, car elle est constituée d'un assemblage de morceaux de papier découpés en sections géométriques, ce qui donne à la pierre noire une richesse supplémentaire.

Louis-Pierre Bougie a également fait des allers-retours en Finlande. Geneviève Bougie nous en montre quelques fruits, dans lesquels on retrouve encore cette recherche de découpage spatial sur papier en sections.

Oeuvre incontournable, son Bestiaire (Grande frise verte) réalisé en 2013-2014 prend tout l'espace d'un mur. On se perd dans ces centaines de personnages et d'animaux enchevêtrés, si bien imbriqués les uns dans les autres qu'il en ressort cet aspect de feuillage qui réconcilie le végétal et l'animal.

Finalement, il faut se garder du temps pour visiter une petite salle adjacente où Geneviève Bougie a rassemblé une cinquantaine d'estampes de la collection personnelle de Louis-Pierre Bougie. Des eaux-fortes, des pointes sèches, des tailles-douces, des gravures au burin des années 70 à aujourd'hui, réalisées par des artistes européens, anglais, australiens ou québécois.

Nous avons retrouvé du Bougie dans celle de Jean-Pierre Sauvé intitulée L'improbable parade et créée cette année. Une délicate pointe sèche sur papier montrant des musiciens comme moulés par la musique. On y retrouve le génie de cette technique d'estampe étrennée par Dürer, valorisée par Rembrandt et que Louis-Pierre Bougie magnifie à son tour.



Allers-retours, oeuvres de Louis-Pierre Bougie, sous le commissariat de Geneviève Bougie, à la galerie d'art du Centre culturel de l'Université de Sherbrooke (pavillon Irénée-Pinard, 2500, boulevard de l'Université), jusqu'au 29 août, du jeudi au samedi, de 13 h à 16 h.