La Coiffeuse, une toile cubiste peinte par Picasso en 1911 et estimée à 15 millions de dollars, a été remise à la France jeudi par les douanes américaines qui l'avaient retrouvée dans un anodin colis posté plus d'une décennie après sa disparition.

Le petit tableau de 33 cm sur 46 cm a traversé l'Atlantique à la période des fêtes en 2014, savamment dissimulé dans un colis portant l'inscription «Art Craft/30 E/Joyeux Noël».

Mais le leurre n'a pas dupé les services américains des douanes et de l'immigration (ICE) à Newark, près de New York.

Les douaniers ont été surpris de constater que le prix du supposé cadeau de Noël «était moitié moins cher que le coût d'envoi du paquet», a raconté le procureur de Brooklyn, Kelly Currie, lors de la cérémonie de restitution de l'oeuvre à l'ambassade de France à Washington.

Autre indice, le colis était à destination d'un «entrepôt de stockage disposant d'un système de climatisation» dans le quartier du Queens à New York. «Il n'est pas très probable d'envoyer une pièce d'artisanat de 30 euros» vers ce genre d'endroit, a ironisé M. Currie.

Aucune arrestation n'a été faite depuis l'authentification du tableau qui avait été posté dans un colis Fedex en Belgique le 17 décembre 2014.

La disparition de l'oeuvre aux teintes de gris et de beige, qui est propriété du gouvernement français, reste elle aussi inexpliquée. Exposé pour la dernière fois à Munich en 1998, le Picasso a été déclaré volé trois ans plus tard à Paris.

Lors d'une demande de prêt, le personnel du Centre Pompidou avait été incapable de mettre la main sur le tableau, l'une des 115 000 oeuvres de sa collection. Le musée en expose environ un millier au public.

«Il s'agit de la quatrième oeuvre d'art restituée» par les douanes américaines à la France depuis 2011, a commenté le ministre-conseiller de l'ambassade de France Frédéric Doré, évoquant des oeuvres de Jules Breton, Camille Pissarro et Edgar Degas.

La directrice de l'ICE, Sarah Saldana, s'est félicitée de la restitution du tableau «à la valeur inestimable», «qui n'est pas seulement important pour (la France) mais aussi pour le monde».

Cubisme analytique 

La date du retour de La Coiffeuse à Paris, où elle a été peinte il y a plus d'un siècle, n'a pas été précisée, mais le président du Centre Pompidou, Serge Lasvignes s'est dit «heureux que cette magnifique oeuvre de Pablo Picasso retrouve prochainement (...) les cimaises du musée national d'art moderne».

«Détériorée par le vol, les mauvaises conditions de conservation qu'elle a ainsi subies et les aléas rocambolesques de son expédition outre-Atlantique», la toile «doit faire l'objet d'une soigneuse campagne de restauration, avant d'être présentée de nouveau au public», a-t-il toutefois prévenu.

Cette huile sur toile date de l'époque cubiste du peintre espagnol au tout début du 20e siècle, au cours de laquelle il a notamment réalisé les Demoiselles d'Avignon, un large tableau fondateur de ce courant artistique.

Pablo Picasso, qui à sa mort en 1973 a laissé une oeuvre colossale de peintures, dessins, gravures, sculptures, céramiques et tapisseries, «a bouleversé notre façon de représenter les choses et de concevoir l'art», rappelle Androula Michael, professeur d'art contemporain à l'université d'Amiens.

Dans cette toile, Picasso «arrive à une telle déstructuration des formes qu'il signifie, plus qu'il ne représente», poursuit-elle. Il ne s'agit pourtant pas d'une peinture abstraite, dont l'artiste avait horreur, ajoute la spécialiste.

Les couleurs sont très uniformes, complète-t-elle, afin de «mettre l'accent sur la question des formes» géométriques.

Le tableau, caractéristique du cubisme analytique, est entré dans les collections du Centre Pompidou en 1967, grâce à un legs de Georges Salles, l'un des grands collectionneurs français du cubisme, après avoir notamment appartenu au célèbre marchand d'art Ambroise Vollard.

Le Centre Pompidou conviera la presse dans les prochaines semaines pour une présentation du tableau à son retour à Paris.