Douze ans après une chute dramatique, la statue Adam de Tullio Lombardo reprend vie au Metropolitan Museum of Art de New York en versions originale et virtuelle. Quand la technologie, l'art et l'histoire se télescopent et font bon ménage.

Douze ans: c'est le nombre d'années qu'ont mis les éminents spécialistes du Met à restaurer la statue Adam du sculpteur vénitien Tullio Lombardo. Il faut dire que la tâche était colossale.Le 6 octobre 2002, le piédestal de ladite statue avait flanché et Adam s'était retrouvé sur le sol en 28 morceaux et plusieurs centaines de petits fragments.

Si, selon un des gardes de l'institution, le Met n'a pas pris de temps à montrer la porte à l'auteur du piédestal défectueux, la restauration, elle, s'est révélée bien plus complexe. «Le Met a fait appel à de nouvelles technologies et à des méthodes qui n'avaient jamais été utilisées auparavant», précise Reid Farrington, l'artiste multimédia à l'origine de la version virtuelle de la statue datant du XVe siècle.

Le Met a notamment eu recours à un type d'adhésif jamais utilisé pour un projet de cette ampleur. Les restaurateurs ont également choisi de remplacer les traditionnelles tiges de fer par des tiges en fibre de carbone, en plus d'imprimer des versions 3D des morceaux pour faire des tests d'assemblage grandeur nature.

Un retour réel et virtuel

Le résultat de ce casse-tête herculéen est aujourd'hui visible dans la salle 504 du musée. La statue de marbre a retrouvé sa majestueuse stature de 6 pieds 3 pouces.

Qui plus est, on peut désormais découvrir à ses côtés une version virtuelle d'Adam, tout aussi impressionnante. Cet Adam est la création de Reid Farrington et de son équipe.

S'inspirant du travail des restaurateurs, Reid Farrington a créé une sorte d'avatar du «premier homme», incarné par un acteur portant une combinaison dotée de senseurs.

Le principe s'apparente à celui utilisé dans certains jeux vidéo ou au cinéma, que l'on pense aux personnages bleutés du film Avatar ou au Gollum du Seigneur des anneaux.

La différence? L'acteur derrière l'Adam numérique performe en direct d'un auditorium situé à proximité, dans le département d'art égyptien. Il est en lien constant et direct avec une actrice qui, elle, est dans la salle 504 avec le public et l'Adam de Tullio Lombardo.

Drôle, informatif, érudit, cabotin, l'Adam de Farrington peut en fait prendre trois formes: il est parfois l'Adam biblique, parfois l'Adam de Tullio Lombardo ou l'Adam virtuel. En compagnie de l'actrice-guide, le personnage projeté sur un écran à deux faces interprète plus d'une vingtaine de petites scènes. La performance s'intitule The Return.

Et c'est le public qui choisit les saynètes en désignant une des parties de la sculpture. Chacune des courtes histoires présente une facette d'Adam. 

«Quand le Met m'avait invité à collaborer à un autre projet, j'avais assisté à un séminaire avec des spécialistes de Michel-Ange venus de partout dans le monde. Et j'avais remarqué qu'ils essayaient tous de faire des blagues, d'être accessibles. Ils faisaient notamment des jeux de mots en latin et s'amusaient beaucoup. Évidemment, cela me passait 10 pieds au-dessus de la tête, mais j'ai voulu conserver cet amour et cette passion pour l'histoire de l'art et les rendre accessibles», précise Reid Farrington.

Force est d'admettre qu'il a réussi son pari. Si certains cabotinages peuvent agacer le spectateur, ce dernier se délectera en découvrant les origines de la statue, comment elle a été sculptée dans un seul bloc de marbre, la chute d'Adam au musée en 2002, etc.