Quelles sont les expositions à voir ce week-end? Nos critiques en arts visuels proposent une tournée montréalaise de galeries et de centres d'artistes. À vos cimaises!

Les îles aux trésors

L'organisme Portrait sonore lance un nouveau balado-documentaire pour nous faire découvrir 15 oeuvres d'art public exposées dans le parc Jean-Drapeau.

Tout le monde connaît ou a vu la sculpture L'Homme d'Alexander Calder à l'île Sainte-Hélène. Mais le parc Jean-Drapeau recèle au moins 14 autres trésors du genre, dont des oeuvres d'Yves Trudeau, de Michel de Broin et de Robert Roussil.

Cette galerie à ciel ouvert est mise en valeur dans le balado-documentaire de Portrait sonore Parc Jean-Drapeau - Art public. L'expérience est offerte sous forme de site mobile, compatible avec iOS et Android.

«L'idée c'est que les gens viennent et voient sur place. On leur dit, comme les artistes d'ailleurs, de s'approcher et de toucher, de vivre l'expérience en direct», explique Sophie Mankowski, présidente de Portrait sonore.

Le balado-documentaire comprend 15 dossiers durant entre 6 et 7 minutes. La narration s'attarde à la création des oeuvres - 9 sur 15 l'ont été dans le cadre d'Expo 67 -, le parcours de l'artiste et le contexte de l'époque.

«L'idée n'était pas de dire que tout est beau et tout va bien, dit Sophie Mankowski. Nous évoquons aussi toutes les problématiques entourant l'art public, comme celle de la sauvegarde des oeuvres.»

Éveiller les sens

À la recherche des oeuvres, la balade peut durer deux heures dans les îles Sainte-Hélène et Notre-Dame. Des témoignages d'experts et, parfois, les commentaires des artistes eux-mêmes complètent les portraits. Mais il y a plus.

«Il fallait que ce soit sensoriel, qu'il y ait du plaisir, souligne Mme Mankowski. Antoine Bédard [vice-président de Portrait sonore] a donc commandé des pièces à 15 musiciens qui ont créé en tenant compte des artistes, des oeuvres et du contexte de création. La musique est là pour éveiller les sens au sujet de l'oeuvre en question.»

Entre autres, une composition de DJ Champion accompagne L'Homme de Calder; Catherine Major a écrit Iris pour la sculpture du même nom de Raoul Hunter; Diane Labrosse a créé Migration autour d'une des deux pièces exposées de Robert Roussil; et le duo autochtone Mad Eskimo a fait la musique du mât totémique de Henry et Tony Hunt.

«Dans le cas d'Yves Trudeau, c'est spécial. Il nous a cédé les droits pour la musique, inspirée des battements de son coeur, qu'il avait lui-même composée à l'époque. Sa sculpture ne bouge plus, reste silencieuse, mais nous lui donnons une autre vie en quelque sorte.»

Portrait sonore avait déjà produit les applications Montréal moderne et Expo 67. L'organisme travaille aussi à une oeuvre pancanadienne sur les grandes villes du pays en prévision du 150e anniversaire du Canada en 2017, dont Montréal.

«C'est une chance d'avoir autant de belles choses à Montréal. L'art public c'est le fait d'artistes qui se sont battus pour démocratiser l'art. C'est important de garder ces valeurs-là vivantes aujourd'hui», conclut Sophie Mankowski.

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Consultez l'application sur le site mobile de Portrait Sonore: portraitsonore.org

Trav baptise la galerie

L'art urbain est en vogue à Montréal avec les festivals Mural et Under Pressure. Et en galerie aussi avec l'émergence d'un autre lieu d'exposition consacré à l'art urbain: Artgang Montréal a ouvert ses portes à la Plaza Saint-Hubert avec les oeuvres sur papier de Trav, Miss Van et Nuria Mora.

Louis-Nicholas Coupal et ses associés, notamment Louis Charles Houle, ne manquent pas de culot. Et il en faut! Si des boutiques ferment à la Plaza Saint-Hubert, eux croient dur comme fer en une renaissance branchée de ce secteur et dans la force attractive de l'art urbain qui a su trouver un public fidèle à Montréal.

Ils ouvriront officiellement cet automne leur espace Artgang Montréal au 6524, rue Saint-Hubert, un édifice auparavant occupé par le quincaillier Rona. Artgang, c'est une galerie d'art comme il n'en existe pas à Montréal, avec un immense espace permettant de créer deux salles d'exposition, un café (avec Simon Godin aux pâtisseries et Pierre Gadouas aux cocktails), une boutique de vêtements et de chaussures style street art tout en accueillant, à l'étage, l'Académie des beaux-arts de Montréal.

«Diversifier nos revenus nous permet d'attirer des artistes importants tels que Trav, qui est une véritable star de la scène de l'art urbain. On veut faire de l'espace Artgang un lieu accueillant qui favorisera les échanges, accueillera de grandes sculptures, de l'art contemporain et urbain», précise Louis-Nicholas Coupal, ex-associé de la galerie Yves Laroche.

Géométrie et signature

La galerie se spécialisera dans les oeuvres sur papier. Elle présente donc If Nothing Changes, une douzaine d'oeuvres de Trav. L'ex-graffiteur californien élabore de belles formes géométriques éclatantes de couleurs, comme l'oeuvre Result combinant flamboyance et signature stylée. Cherchant la variété, il crée aussi des oeuvres aux teintes savamment dosées - tel que Choice -, magnifiquement équilibrées avec des enchevêtrements de signes et de symboles dérivés de ce qu'on appelle la sign culture aux États-Unis.

Trav (de son vrai nom Travis Young) est doté d'une solide maîtrise technique. Son esthétisme accrocheur ravira les amateurs d'art urbain «propre» qui contraste tellement avec les réalisations plus brutes - dans tous les sens du terme - des rues et des ruelles.

En parallèle, Artgang Montréal a fait appel au commissaire expérimenté Pablo Aravena pour importer et installer des oeuvres de la Toulousaine Miss Van et de l'Espagnole Nuria Mora, deux artistes qui ont participé, il y a quatre ans, à Safewalls, le projet d'affiches du Cirque du Soleil qui mariait des artistes contemporains à des spectacles du cirque. 

On retrouvera ainsi jusqu'au 26 juillet les oeuvres sur papier de Miss Van avec ses personnages féminins et carnavalesques et son style plutôt classique. Nous avons bien aimé ses oeuvres d'acrylique et crayon Golden Flower Eyes et Clowdy Hair. Cette production faussement désuète semble s'opposer aux compositions carrément géométriques et abstraites de Nuria Mora, richement colorées et à l'aspect microbiologique. Des oeuvres qui évoquent un réseau cellulaire qui aurait été envahi par un arc-en-ciel de traceurs chimiques!

Avec son acquis académique, Nuria Mora crée des oeuvres claires et agréables à l'oeil, telles Untitled 1 ou Cristales rotos III B. Voici en tout cas trois expositions inaugurales en une qui démontrent la richesse et la diversité de l'art urbain en galerie et laissent présager d'autres beaux événements artistiques chez Artgang Montréal.

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Trav (jusqu'au 10 août); Miss Van et Nuria Mora (jusqu'au 26 juillet), à la galerie Artgang Montréal, 6524, rue Saint-Hubert. http://www.artgangmontreal.com/

PHOTO JOSÉ ENRIQUE MONTES HERNANDEZ, FOURNIE PAR LA GALERIE ARTGANG

L'espace Artgang sera inauguré officiellement cet automne mais présente déjà une sélection d'oeuvres de Trav (Travis Young), de Nuria Mora et Miss Chan.

Les autres expos à voir

RIPLEY WHITESIDE

Né aux États-Unis, ce Montréalais d'adoption s'intéresse à la nature... de la nature. Au premier regard, on croirait une peinture animalière classique, mais de plus près, on note les anomalies, les bizarreries, les juxtapositions d'éléments qui ne vivent pas «naturellement» ensemble. Le titre des oeuvres ajoute au questionnement sur cette nature quelque peu surnaturelle... 

L'exposition Un royaume pacifique de Ripley Whiteside est présentée dès demain et jusqu'au 15 août à la galerie Pierre-François Ouellette au 372, rue Sainte-Catherine Ouest, suite 216.

ANYA BELYAT-GIUNTA

Nouvel espace, même éclectisme «brut» chez Robert Poulin. L'expo estivale comprend des oeuvres de la galerie comme celles des Adrian Williams, Balint Zsako, Jim Saunders, Daniel Erban, Dan Brault et l'artiste française Anya Belyat-Giunta où, simplement et efficacement, graphite et encre nous ouvrent les portes d'un imaginaire débridé.

L'exposition Mixed Grill III se déroule à l'Espace Robert Poulin, 6341, boulevard Saint-Laurent, jusqu'au 8 août.

MARIE-LINE LAPLANTE

Avec Grammaire, l'artiste québécoise vivant en Belgique Marie-Line Laplante s'empare d'exemples grammaticaux pour fouiller leur sens caché. Leur déplacement sur une enseigne lumineuse met en lumière sous-entendus, non-sens, contresens ou, comme dit l'artiste, «un sens sans équivoque dans sa clarté, mais incertain dans son intention».

Grammaire est présenté jusqu'au 28 juillet sur l'enseigne lumineuse de Dare-Dare près du marché Atwater.

BALADE DES ARGOULETS 

La Maison Saint-Gabriel est un site historique des plus dynamiques. Cet été encore, on y organise des circuits en calèche, la Balade des Argoulets, entre les maisons Saint-Gabriel et Nivard-De Saint-Dizier. La prochaine visite a lieu ce dimanche. Côté nouveauté, pour célébrer les 350 ans du cheval canadien, la Maison organise des ventes de pain à cheval dans les rues de Pointe-Saint-Charles les samedis entre 9 h et 11 h.

La Maison Saint-Gabriel est située au 2146, place Dublin, Pointe-Saint-Charles, Montréal.

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE-FRANÇOIS OUELLETTE ART CONTEMPORAIN

Ripley Whiteside, Pierrefonds, encre sur papier 2015, 146 x 194 cm.