La famille d'un officier américain qui avait gagné trois tableaux lors d'une partie de poker disputée pendant la Seconde Guerre mondiale, a restitué mardi ces oeuvres volées à leur propriétaire légitime.

Deux toiles supplémentaires acquises par une bibliothécaire qui servait dans l'armée américaine fin 1945 en Allemagne ont également été rendues lors d'une cérémonie mardi au département d'État à Washington. Les oeuvres avaient été localisées grâce à une fondation américaine.

«Ces tableaux sont juste la partie émergée de l'iceberg de centaines de milliers de toiles et autres objets culturels qui sont toujours manquants depuis la Seconde Guerre mondiale», a commenté Robert Edsel, fondateur et président de la Monuments men Foundation.

Cette fondation a repris le nom du groupe constitué de soldats américains dont la mission était de récupérer les milliers d'oeuvres d'art pillées par les nazis après le conflit mondial. Ces «Monuments Men» ont été rendus célèbres par le film de George Clooney en 2014.

Le major William Oftebro, du 750e bataillon de chars, avait obtenu les trois tableaux alors qu'il était chargé de surveiller une mine de potassium près de Dessau, dans ce qui est aujourd'hui le Land de Saxe-Anhalt dans le centre de l'Allemagne.

Des responsables d'un musée local avaient conservé la collection en sous-sol pour la protéger des bombardements alliés sur l'Allemagne nazie.

D'après la Fondation, Oftebro avait expédié par la poste ces oeuvres d'art du peintre flamand Frans Francken III, de l'Allemand Christian Wilhelm Ernst Dietrich et de l'Autrichien Franz de Paula Ferg, expliquant à sa famille aux États-Unis les avoir gagnées au poker.

En août dernier, soit plusieurs années après la mort du major américain, son beau-fils James Hetherington avait contacté la Fondation après avoir appris son existence grâce au film de George Clooney, inspiré d'un ouvrage de M. Edsel.

Ce dernier a profité de l'aura de Hollywood pour créer une ligne téléphonique gratuite où recevoir des indications pour retrouver la piste d'oeuvres d'art disparues et qui, dans de nombreux cas, ont traversé l'Atlantique illégalement.

«Cela s'est avéré très positif», a-t-il expliqué, précisant que son équipe était encore en train d'examiner des centaines de pistes.

Dans un coffre-fort

Une seconde découverte présentée mardi - qui concerne un tableau de la reine Victoria en compagnie de sa fille aînée et un autre de Charles 1er d'Angleterre - a également été possible grâce à cette initiative.

D'après la fondation, ces deux toiles se trouvaient dans le château de Friedrichshof, situé au nord de Francfort et qui a été réquisitionné en avril 1945 par les troupes américaines.

Elles se sont retrouvées entre les mains de Margaret Reeb, une bibliothécaire des Special Services - qui s'occupaient des divertissements - de l'armée des États-Unis.

«Nous ne savons pas auprès de qui elle les a acquises, ni combien elle a payé. Mais elle s'est retrouvée en leur possession et les a ramenées aux États-Unis, et elles se trouvaient dans un coffre-fort depuis lors», a indiqué à l'AFP Randy Holland, un neveu de la bibliothécaire, qui a assisté à la cérémonie de mardi.

«Lorsque nous les avons découvertes après sa mort il y a dix ans, nous les avons conservées dans le coffre-fort parce que nous ne savions pas quoi en faire», a-t-il expliqué, précisant que son frère Mike avait entendu parler de la fondation à la radio.

La famille a alors décidé de les rendre à leur propriétaire légitime, un comte allemand qui gère désormais un hôtel cinq étoiles dans le domaine de ses ancêtres.

«Nous avons pensé que c'était tout simplement la bonne chose à faire», a poursuivi Randy Holland, âgé de 70 ans et ancien employé des impôts dans le Montana.

La secrétaire d'État adjointe Victoria Nuland a rendu hommage aux «efforts des familles, aux efforts de la Monuments Men Foundation» qui permettent «désormais aux États-Unis de participer à la réparation des erreurs du passé».

«Et c'est particulièrement émouvant de le faire cette semaine qui marque également le 70e anniversaire de la fin de la guerre en Europe», a-t-elle relevé.

L'ambassadeur d'Allemagne Peter Wittig a assuré les familles «que ces oeuvres d'art qui rentrent chez elles vont occuper une place de choix».

Il a également déploré «la campagne sans précédent de pillage et de spoliation de trésors culturels de grande valeur opérée par le régime nazi», à l'origine de la grande majorité des vols d'art pendant la Seconde guerre mondiale.

Lors d'une cérémonie mardi à New York, un tableau du 17e siècle, volé par les nazis à Paris à un historien de l'art allemand mort à Auschwitz, a été restitué à sa fille.