Barthélémy Toguo s'amène pour la première fois à Montréal chez Samuel Lallouz. Dessins, photos, aquarelles, installations, vidéo. L'artiste pluriel de l'Afrique universelle.

Vivant entre son Cameroun natal et la France, Barthélémy Toguo a créé in situ partout où il passe. Pour son exposition chez Samuel Lallouz, il a notamment construit une installation monumentale, Boat for Exil.

Il s'agit d'un bateau de bois, mesurant 2 sur 5 m, chargé de ballots de tissus de couleurs et tanguant sur une mer de bouteilles. Attention, fragile!

«J'ai surtout voulu montrer la peur de ces gens, les «boat people», qui ne sont jamais certains d'arriver à bon port en raison des dangers auxquels ils font face», explique Barthélémy Toguo.

Artiste engagé, politique, il ne craint ni la controverse ni la prise de position radicale. Il prépare une installation pour la prochaine Biennale de Venise qui sera composée de tampons encreurs géants en bois. On peut voir quelques-uns de ces tampons en forme de tête humaine et porteurs de messages divers à Montréal.

«Ça s'appellera The Urban Requiem à Venise. C'est un regard sur ce qui se passe dans nos grandes métropoles, sur la situation de la politique actuelle avec la militarisation des polices urbaines, les civils armés, etc. Ce sont des clameurs en écho à ce que les populations endurent.»

Lors du vernissage de mardi, Barthélémy Toguo a brisé des bouteilles sur le sol de la galerie afin de former, à l'aide des tessons, une carte de l'Afrique, au risque de s'y couper...

Photo fournie par la galerie Samuel Lallouz

Boat For Exil, 2015, bateau en bois 2 x 5 m, ballots de tissus, bouteilles en verre

Cet artiste conceptuel a aussi le sens de l'ironie. Son exposition montre quelques photos de sa série intitulée Stupid African President. Elles évoquent les problèmes de l'exploitation des ressources en Afrique, les discours vides des dirigeants politiques, la militarisation, etc.

Créer pour dénoncer

Une autre série de dessins à l'aquarelle, The Devil's Head, représente des masques de ce qui se cache derrière la bêtise humaine.

«L'homme est un loup pour l'homme, dit-il. On a un côté sauvage en nous et ça peut s'exprimer de plusieurs manières. C'est souvent l'archétype d'un visage humain qui porte parfois des cornes qui entrent à l'intérieur de la tête.»

Barthélémy Toguo crée donc beaucoup. Mais à la mesure de son désir de dévoiler, dénoncer, critiquer.

«Je suis en perpétuelle performance, en défi contre moi-même. Je travaille comme si j'étais dans un ring de boxe où je dois assurer une exposition dans un délai très court avec un propos et une somme d'engagement politique qui donne un sens à mon travail. Ce n'est pas dans l'idée de produire pour produire.»

Cet engagement de tous les instants porte évidemment surtout sur l'Afrique qui souffre. Mais la douleur n'est pas qu'africaine, rappelle-t-il. L'Afrique, en cela, est universelle.

«La vie, c'est la beauté qui côtoie la laideur, la solitude qui côtoie la souffrance. C'est l'ensemble des ressentis humains qui m'intéressent. Partout, tout le temps.»

À la galerie Samuel Lallouz (1455, rue Sherbrooke Ouest, bureau 233), jusqu'au 30 juin