Quatre ans après sa naissance au Musée des beaux-arts de Montréal, l'exposition Jean Paul Gaultier arrive à Paris. La capitale française célèbre son «enfant terrible», avec une exposition créée à Montréal et qui porte la patte de créateurs québécois. Notre correspondante à Paris raconte.

Quatre ans après sa création, l'exposition Jean Paul Gaultier fait son dixième arrêt, cette fois au Grand Palais de Paris. Un lieu majestueux pour accueillir Gaultier, le couturier parisien sans snobisme, qui a toujours puisé son inspiration entre la rue et les étoiles.

«C'est une grande joie, la reconnaissance d'un savoir-faire, mais aussi un succès tout à fait hors norme», dit en souriant Nathalie Bondil, directrice du Musée des beaux-arts de Montréal, où l'exposition a été créée en 2011.

Difficile de nier l'évidence: après neuf arrêts autour du monde (Amérique du Nord, Europe, Australie) et plus de 1,4 million de visiteurs, l'exposition arrive à Paris dans l'enthousiasme.

Les quotidiens et hebdomadaires de prestige ont tous consacré de longs articles à Jean Paul Gaultier, et il y avait une certaine fébrilité, hier matin, lors de la conférence de presse de l'exposition.

Généreux

Voilà donc l'exposition Gaultier, avec ses 175 ensembles, sa centaine de mannequins, ses installations multimédias... En tout, 14 tonnes de matériel et une petite équipe de Montréalais entièrement dévoués à Gaultier autour du monde.

«C'est comme un road show. C'est beaucoup de travail, beaucoup d'investissement et d'adaptation. L'exposition marche parce qu'elle est pensée pour chaque lieu. Ce n'est pas un système figé ou cadenassé», explique Nathalie Bondil.

Ainsi, ces 10 présentations n'ont nullement entamé l'exaltation de Jean Paul Gaultier, créateur de mode réputé pour sa gentillesse, sa simplicité et son authenticité.

Facétieux et rieur, il est arrivé tout sourire hier, vêtu d'un t-shirt rayé, sur la scène de l'auditorium du Grand Palais. Le charme de Jean Paul Gaultier opère, comme en témoigne le cri du coeur d'un journaliste français, qui a lancé, en pleine conférence de presse: «Liberté, égalité, Jean Paul Gaultier!»

Pour saisir ce que le couturier a de généreux, il faut l'entendre dérouler le fil de sa vie, comme une pelote tissée d'anecdotes.

Gaultier est né dans la banlieue sud de Paris. Fils unique au sein d'une famille unie et modeste, il se prend de passion pour le dessin très tôt, et reproduit en classe les fanfreluches, résilles et vêtements de strass des danseuses des Folies Bergère vues à la télévision.

Ce n'est d'ailleurs pas Madonna, mais Nana qui, le premier, s'est vu offrir une paire de seins coniques. Nana? Son ourson d'enfance, cobaye involontaire des expérimentations du jeune Gaultier. Parce qu'il faut rendre à César ce qui revient à César: c'est à Nana que revient la première place à l'entrée de l'exposition.

«La mode a été mon premier passeport pour entrer dans un autre univers et être accepté des autres», dit Jean Paul Gaultier, qui se consacre uniquement aujourd'hui à la maison de haute couture qu'il a ouverte en 1997.

Art

Chez Gaultier, le vêtement se nourrit d'art: Frida Kahlo, Jean Cocteau et Jean Genet, bien sûr, mais aussi le constructivisme russe, le cinéma (il doit sa vocation à Falbalas, de Jacques Becker) ou la photographie.

«Sans art, je ne serai pas là. On est des voleurs, en quelque sorte. C'est pour ça qu'on n'est pas des artistes», a-t-il affirmé hier à la conférence de presse d'hier.

L'échange est réciproque, Gaultier a habillé les reines de la pop (Kylie Minogue, Madonna, Mylène Farmer), les icônes, moins branchées, de la chanson française (Yvette Horner), les films (ceux de Luc Besson, d'Almodóvar ou de Jeunet), les créations de danse contemporaine (Angelin Preljocaj) ou un spectacle de l'humoriste française Florence Foresti.

Qui peut se vanter de tant de diversité?

Échange

Ces jours-ci, on peut voir ses costumes à Paris sur les planches de la Comédie-Française dans la pièce Innocence, mise en scène par Denis Marleau. Le metteur en scène québécois signe l'animation des visages de mannequins de l'exposition.

Ce hasard du calendrier est aussi une boucle qui se boucle: Jean Paul Gaultier avait demandé à Denis Marleau de travailler sur l'exposition, dès les premières discussions avec le Musée des beaux-arts de Montréal, après avoir vu l'une de ses mises en scène à Avignon (Les aveugles).

Pour Gaultier, c'est aussi une autre boucle qui se boucle. Son premier défilé a en effet eu lieu en 1976, dans le Palais des Découvertes, voisin du Grand Palais.

Cet éternel jeune homme, qui s'amuse de son «lifting gratuit», sur le portrait signé Pierre et Gilles qui orne l'affiche parisienne de son exposition, a gardé son âme d'enfant. «Jamais de ma vie je n'avais pensé à être riche, célèbre ou reconnu. Tout ce que j'ai fait, c'était pour m'amuser», s'émerveille Gaultier.

____________________________________________________________________________

Au Grand Palais de Paris, du 1er avril au 3 août.