Après s'être inspiré de l'oeuvre de l'écrivain Michel Tremblay puis du conteur Fred Pellerin pour créer des sculptures-jouets, le couple d'artistes Viatour-Berthiaume vient d'entamer la création de 15 sculptures tirant leur origine du livre Ru de l'auteure québécoise Kim Thúy. Des sculptures qui évoqueront son enfance au Viêtnam.

Marie-Annick Viatour et Gaétan Berthiaume créent des sculptures-jouets depuis 25 ans. À peine avaient-ils tourné la page de leur aventure avec Fred Pellerin que l'auteure québécoise Kim Thúy a croisé leur chemin.

Ils l'ont rencontrée en 2013 à sa maison à Longueuil, à deux pas de chez eux. Pour les Journées de la culture, elle avait décidé de «rendre ce qu'elle a reçu» en accueillant la population dans son jardin. Elle avait sorti son piano, présentait ses amis et citait des passages d'auteurs qui étaient présents. Elle avait aussi accroché des mots et des pensées aux arbres.

«Ce jour-là, Josélito Michaud a dit combien il trouvait que l'écriture de Kim Thúy dans son livre Ru était dense, raconte Marie-Annick Viatour. Je me suis alors dit qu'on pourrait créer des sculptures à partir de Ru

Partir du réel

Ru parle de l'enfance de Kim Thúy au Viêtnam et de son arrivée au Québec dans les années 70. Le livre de souvenirs est rempli d'images, carburant préféré de Viatour-Berthiaume pour élaborer leurs sculptures de bois qui parlent de l'enfance. Comme lorsqu'ils ont créé la pantoufle en Phentex de Fred Pellerin (Contes en pantoufles) qui découle des histoires que racontait la grand-mère du conteur. Ou encore L'oreille gourmande, qui rappelle le temps où Michel Tremblay écoutait parler les membres de sa famille, blotti sous la table de la cuisine.

Kim Thúy a accepté avec joie leur proposition. Comme il l'a fait avec Michel Tremblay et Fred Pellerin, le couple travaille en collaboration avec l'auteure.

«Elle [Kim Thúy] nous a envoyé une série de photos de son enfance pour nous aider, afin que son personnage en bois soit habillé comme elle l'était au Viêtnam. Même si on y va avec notre imaginaire, on veut quand même partir du réel», a expliqué Marie-Annick Viatour.

Kim Thúy enthousiaste

Hier matin, Kim Thúy est passée à l'atelier de Viatour-Berthiaume pour voir l'ébauche de la première sculpture. Elle pourrait s'appeler Le poids de la naissance. Elle a été réalisée à partir de la première page de Ru où la romancière mentionne sa naissance aux premiers jours de l'année du Singe. La sculpture est une charrette dans laquelle un singe douc vietnamien joue du tambour. Le véhicule est tiré par une charretière: Kim Thúy jeune avec les cheveux courts.

Comme toutes les sculptures de Viatour-Berthiaume, Le poids de la naissance peut s'animer. Quand on pousse la charrette, le singe tape sur le tambour et un mécanisme fait marcher la charretière. «Waouh! C'est super beau, a réagi Kim Thúy. Quelle belle idée! J'aime ça!»

La charrette a quatre roues, alors qu'au Viêtnam, elles en ont trois. «Ce n'est pas grave, a dit Kim Thúy. Ça fait une combinaison du Québec et du Viêtnam. C'est parfait. Et le tambour que vous avez choisi est très vietnamien.»

La sculpture sera bientôt peinte pour tenir compte des détails de la première page de Ru. Notamment des «pétales de cerisier». Kim Thúy suggère de faire tomber «une neige de pétales» sur la charrette dans la vidéo qui accompagnera cette création, pour montrer la sculpture en mouvement. Elle a aussi donné des conseils pour le dessin de la robe de la charretière et la couleur rouge-orange du tambour.

Pourquoi Kim Thúy

a-t-elle accepté de participer à ce projet? «Ma famille était privilégiée, mais je ne jouais pas avec mes jouets; on jouait plus avec de vrais bébés, alors au début, quand ils me l'ont proposé, je ne comprenais pas le concept! lâche Kim Thúy dans un grand rire. Mais là, je comprends.»

«C'est beau, c'est imagé, c'est ludique, poursuit l'auteure. Cela va toucher un imaginaire que je n'ai pas. Et cette sculpture, Le poids de ma naissance, c'est une interprétation tellement belle. C'est exactement ça. Car pour moi, vivre est très exigeant et je suis pognée avec cette vie-là!»

Le couple n'a plus qu'à se mettre au travail pour créer 14 autres sculptures. Parions que les «soutiens-gorge filtres à café» dont parle Kim Thúy dans Ru trouveront une incarnation dans le bois de tilleul... L'exposition des sculptures aura lieu à Longueuil en 2016. En attendant, on peut apprécier l'univers ludique et artistique de Viatour-Berthiaume sur leur site viatourberthiaume.com.

Kim Thúy, un succès international

Actuellement en train d'écrire un troisième roman, après Ru sorti en 2009 et Mãn publié l'an dernier, Kim Thúy connaît une popularité assez notable à l'étranger.

Le 26 novembre, c'est un texte de son cru qui a été lu aux candidats de la Dictée de la Francophonie, une activité du dernier Sommet de la Francophonie tenu à Dakar, au Sénégal. Revenant d'une tournée d'une vingtaine de villes canadiennes, l'auteure québécoise aura un début d'année 2015 fort chargé sur la scène internationale.

En janvier, elle se rendra au Danemark où elle recevra un prix remis par la reine Marguerite II qui a adoré Ru, ce best-seller qui parle de son enfance au Viêtnam, de sa fuite avec les boat people et de sa vie, depuis, au Québec.

Quelques jours plus tard, elle ira à Francfort, en Allemagne, pour participer à un festival de littérature organisé par l'Institut français local. Elle y parlera de l'exil et des rapports entre les langues, dans ce pays où Mãn vient d'être traduit en allemand.

«Deux jours plus tard, je repars pour la Colombie», dit-elle. Elle sera à Carthagène pour le Hay Festival où elle participera - avec la romancière finlandaise Katja Kettu - à une conversation animée par la journaliste britannique Rosie Goldsmith.

Kim Thúy se rendra ensuite à la Foire du livre de Bruxelles, en février, grâce à une collaboration de la Délégation générale du Québec à Bruxelles. Elle y sera présente avec d'autres auteurs québécois, notamment Dany Laferrière, Larry Tremblay, Patrick Senécal et Denise Bombardier.

Accueil positif pour Mãn

En mars, elle se rendra en Chine où mãn a obtenu des critiques positives, notamment du South China Morning Post, le mois dernier. «Mãn est très bien accueilli en langue anglaise, mais aussi en Allemagne et en Suède, même plus que Ru, dit-elle. Je pense que Ru est arrivé un peu soudainement, alors qu'avec Mãn, les festivals ont le temps de m'inviter. Cette année, en Italie, j'ai fait quatre villes en six jours!»

Humble, Kim Thúy dit avoir été étonnée de voir tant d'Italiens venir l'écouter parler de ses livres. Un jour, dans une petite ville, la salle était comble et elle pensait que c'était pour une personne qui l'avait précédée. Mais c'était pour elle!

Enfin, après une petite virée aux Îles-de-la-Madeleine en avril, elle ira en Estonie puis en Australie! Son troisième livre, où les personnages masculins sont au centre de l'histoire, devait sortir à l'automne 2015. Mais dans une telle effervescence, aura-t-elle le temps de le finir d'ici là? Il faudrait que les festivals se calment!