Âgé de 38 ans, Frédéric Lavoie est un artiste qui aime réinterpréter des faits historiques, sociologiques et culturels pour tisser un nouveau récit mettant ces événements du passé en perspective. Il l'a fait avec Réécritures, présenté cet automne au Musée régional de Rimouski. C'est également évident avec Le début de la fin, installation visuelle et sonore qui découle de sa résidence à McCord cet automne. Et qui tend à illustrer le côté dramatique de la vie.

Il y a deux ans, Frédéric Lavoie avait produit une installation sonore à partir d'une photo datant de 1897 du fonds d'archives Notman. 

Il a retrouvé ce riche héritage lors de son étude de la base de données de la collection du musée. Elle l'a conduit à monter cette exposition singulière et fort instructive composée de photos, de peintures, de sculptures, de dessins, de maquettes et d'objets divers datant de jusqu'à 1000 ans.

«Il a exploré en toute liberté notre collection, de façon transversale, et en a fait une relecture très particulière. En effet, pour souligner l'étrangeté de nos rapports aux objets du passé, il a créé un récit fictif de fin du monde et nous propose une vision post-apocalyptique de l'histoire de l'Amérique du Nord et de Montréal», a déclaré Suzanne Sauvage, présidente et chef de la direction du musée, hier.

La soixantaine d'oeuvres de la collection qu'il a retenue est présentée dans des vitrines. On constate vite que la narration recréée par ses choix nous met sur la piste d'une histoire canadienne mouvementée. Occupation du territoire et perte d'autonomie des autochtones, conflits entre Français et Anglais, expulsion des citoyens américains de Québec en 1812, tuerie des patriotes insurgés par les troupes britanniques à Saint-Eustache en 1837, incendie du parlement de Montréal en 1849, lettre des dernières volontés de Louis Riel datée du 16 novembre 1885, inondation de la rue Notre-Dame en 1886, effondrement d'une partie du pont de Québec en 1916, explosion et feu à Halifax en 1917, crise d'Oka en 1990, pauvres dormant sur des bancs à Montréal, etc.

Début de la fin

Pour synthétiser cette «autre histoire», Frédéric Lavoie a créé une vidéo de 18 minutes dans laquelle les éléments de la collection sont mis en scène et intégrés dans une fiction ayant valeur de parabole. Une voix raconte l'histoire d'un gardien de musée se trouvant aux prises avec des extraterrestres peu sympathiques qui vont détruire la ville; il sera l'un des seuls survivants de ce «début de la fin».

«C'est une vision à la fois réaliste et pessimiste de l'histoire [canadienne]. L'oeuvre se présente comme un récit vidéo construit à partir des restes d'une civilisation déchue», explique Frédéric Lavoie.

Cette exposition sur un monde en dépression est la plus «collaborative» que l'artiste ait créée. Il a bénéficié notamment d'un texte de Grégory Lemay et de la musique de Simon Bélair pour la vidéo. Nancy Belzile, Mathieu Latulippe et Les jouets Lafrance l'ont aidé à créer une douzaine de copies très ressemblantes d'objets de la collection, notamment d'un Sacré-Coeur en bois de 1875-1900, d'une oeuvre inuit en quartz d'Osuitok Ipeelee datant de 1973 et d'une maquette de «longhouse» amérindienne.

Au musée McCord (690, rue Sherbrooke Ouest), jusqu'au 15 mars.

Frédéric Lavoie en bref

Né en 1976

Vit et travaille à Montréal

Titulaire d'une maîtrise en arts visuels de l'UQAM

Titulaire d'un baccalauréat en anthropologie de l'Université de Montréal

A participé en 2011 à la Triennale québécoise, au MAC

A exposé au Canada, en Allemagne et en Croatie.