Le Sud-Africain Brett Bailey - qui présente aussi à Paris son Macbeth choral transposé en République démocratique du Congo - est la cible d'une pétition en raison de l'exposition dans la capitale française de son installation controversée Exhibit B.

«Certains contestent le fait qu'un Sud-Africain blanc traite du racisme. La question de nos jours, c'est qui a le droit de représenter qui?», a réagi l'artiste dans un entretien mercredi à l'AFP.

Un «collectif contre Exhibit B» a demandé aux autorités d'annuler l'exposition pour «atteinte à la dignité humaine». Parmi les signataires figurent l'écrivaine antillaise Maryse Condé et la sociologue féministe Christine Delphy.

«Les auteurs de cette pétition reconnaissent ne pas avoir vu l'installation-performance. Il est temps que cette polémique cesse», ont indiqué mardi dans un communiqué les deux directeurs de théâtre qui ont programmé l'installation fin novembre et début décembre.

L'oeuvre met en scène dans des tableaux vivants des «indigènes» tels que les exposaient à l'époque en Occident les foires et les expositions coloniales.

Interprétée dans le monde entier comme un manifeste antiraciste, elle n'a pu être présentée en septembre à Londres après une pétition signée par 23 000 personnes.

Les signataires «n'ont pas vu l'installation, ils ont répondu à une pétition sur internet à la suite d'une photo montrant une femme noire dans une cage avec une chaîne autour du cou», explique Brett Bailey. «Nous vivons sous le signe des réseaux sociaux: vous cliquez sur un bouton en voyant des baleines se faire tuer au Japon, vous cliquez si on vous dit qu'un Sud-Africain blanc met des femmes noires en cage.»

Ce sont les artistes noirs qui participent à la performance qui ont le plus souffert de la polémique, dit-il: «On les a traités de singes, d'«oncles Tom» faisant un travail humiliant pour quelques pennies, ils se sont sentis insultés».

«L'essentiel de mon travail depuis que je suis devenu artiste en 1995 s'attache à l'Afrique, au post-colonialisme, aux relations avec l'Ouest et l'Extrême-Orient», fait valoir Brett Bailey.

Mardi soir, la première parisienne de Macbeth, inspiré de l'opéra de Verdi, a été accueillie triomphalement. Douze musiciens et dix chanteurs d'opéra noirs, qui incarnent des réfugiés du Nord-Kivu congolais ravagé par la guerre, sont postés de part et d'autre de la scène. Lorsque surgit Macbeth, énorme, sanglé dans son uniforme militaire, on pense irrésistiblement à Mobutu.

Les sorcières qui prédisent son destin à Macbeth sont ici les multinationales avides de minerais précieux, diamants, cuivre, zinc et coltan.

En fond de scène, des photos en noir et blanc rappellent les massacres à la machette au Nord-Kivu, les orphelins, les bras et oreilles mutilés.

Déjà présenté en Belgique ainsi qu'à Vienne, Londres et Lisbonne notamment, Macbeth poursuivra sa tournée internationale en Nouvelle-Zélande au mois de mars.