L'artiste torontois Abbas Akhavan participe à la Biennale de Montréal avec Fatigues, une oeuvre constituée d'oiseaux et de mammifères empaillés qu'il a éparpillés dans les salles du Musée d'art contemporain.

En 2008, Abbas Akhavan avait empaillé un pigeon en le représentant dans son état d'oiseau mort et non dans une attitude pleine de vie, comme c'est la coutume en taxidermie. Quand la Biennale de Montréal lui a proposé de participer à cette grande fête de l'art contemporain et de financer son oeuvre, il a trouvé que la piste taxidermiste collerait bien au thème de l'événement, «L'avenir (looking forward)».

«En 2008, les gens avaient réagi de façon très positive au pigeon empaillé, dit-il en entrevue. Comme je me suis toujours intéressé aux animaux et que la taxidermie est l'art de préserver les animaux en les représentant comme s'ils étaient en vie, j'ai opté pour les montrer morts. C'est comme si, finalement, ils étaient doublement morts.»

L'artiste a fait empailler ses animaux au Québec et en Ontario. Il explique que ces animaux de la forêt boréale ont été retrouvés morts. Le porc-épic et le renard ont été tués par des véhicules tandis que les oiseaux (notamment deux fauvettes et un pic flamboyant) sont morts à la suite de collisions nocturnes avec des édifices. Quant au cerf, c'est un animal qui a été tué et mangé par un chasseur. On a conservé sa peau, ses os et sa tête pour l'empailler.

Espèces en danger

En présentant ses huit animaux figés dans une posture mortuaire, Abbas Akhavan évoque la précarité de la vie, mais aussi celle des espèces animales. «Ce sont toutes des espèces qui cohabitent difficilement ou peu avec la vie urbaine, dit-il. Je n'ai pas choisi de ratons laveurs, par exemple. Je voulais parler du danger qui guette certaines espèces.»

L'artiste de 37 ans a choisi de les présenter au sol, près d'autres oeuvres d'art contemporain. Le cerf est ainsi placé près de la sculpture en acier de Nicolas Baier, Eternity, la tête de l'animal étant tournée vers le mur, pour créer une sorte d'intimité entre le visiteur et l'animal.

«Je les ai installés de sorte qu'on ne sait pas s'ils sont morts ou vivants», dit-il. 

«Je voulais qu'on les situe comme entre la vie et la mort, même si c'est sûr qu'ils ont l'air d'être morts. Il n'y a pas d'étiquette sur eux ou près d'eux ni d'explication. Je voulais pour ce projet que l'oeuvre soit, disons, plus accidentelle.»

Ateliers de camouflage

Parallèlement, l'artiste d'origine iranienne participe une fois par semaine à une activité originale avec les Ateliers éducatifs du MAC. «On fait des tatoos temporaires et des peintures sur les visages d'adolescents pour les camoufler dans le but qu'ils ne soient plus reconnus par les caméras de surveillance», dit Abbas Akhavan. Les photos des visages peints sont ensuite imprimées et affichées aux murs à l'extérieur des ateliers.

Ce deuxième volet de l'oeuvre Fatigues a pour but de sensibiliser les jeunes au fait, selon Akhavan, qu'on empiète de plus en plus sur la vie privée des citoyens lorsqu'ils sont dans l'espace public.

«Le mot "fatigues" signifie tenue de camouflage en anglais, mais je voulais aussi qu'on interprète le mot en français, c'est-à-dire une fatigue prise comme un épuisement des espèces animales», précise-t-il.

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À la Biennale de Montréal au Musée d'art contemporain, jusqu'au 4 janvier.