Quelles sont les expositions à voir ce week-end? Chaque vendredi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée montréalaise de galeries et de centres d'artistes. À vos cimaises!

Un gros buzz

Jon Rafman présente ses dernières créations à la galerie antoine ertaskiran, notamment des sculptures, un nouveau volet de l'artiste montréalais dont les explorations sur internet lui valent une reconnaissance internationale. Du coup, des collectionneurs montréalais et new-yorkais se sont arraché ses oeuvres depuis le vernissage.

Vivant et créant au bord du Saint-Laurent, Jon Rafman n'est pas encore une star de l'art contemporain chez nous. Mais ça ne saurait tarder.

L'artiste de 33 ans a émergé en 2009 avec sa série The Nine Eyes of Google Street View, qu'on peut apprécier sur son site internet. Un travail - que dis-je, une quête - insatiable sur la toile pour trouver des images surprenantes ou choquantes prises depuis 2007 par les neuf caméras du véhicule de Google qui numérisent des scènes de rues du monde entier.

Depuis, Rafman est très prisé à l'étranger. Il a exposé au New Museum de New York et au Musée d'art contemporain de Rome en 2010. À la galerie Saatchi de Londres et au Palais de Tokyo, à Paris, en 2012, au Fridericianum de Cassel, en Allemagne, l'an dernier, et au Contemporary Art Museum de Saint-Louis, cet été.

Le diplômé de la School of the Art Institute de Chicago fait, de plus, partie d'une liste de 20 artistes (retenus parmi 5500 candidats de 148 pays) pour le prix bisannuel Future Generation Art (d'une valeur de 100 000 $), qui sera remis en décembre par le Pinchuk Art Centre de Kiev, en Ukraine. Et l'été prochain, il aura droit à son expo solo au Musée d'art contemporain de Montréal.

Il y a un gros buzz pour Rafman. Deux jours après le vernissage de Hot Spring Eternal II, chez antoine ertaskiran, neuf oeuvres sur onze avaient été vendues (entre 14 000 $ et 26 000 $) à des collectionneurs particuliers ou à des entreprises.

Huit nouvelles sculptures

Ces dernières oeuvres donnent un bon aperçu de son talent et de son éclectisme. Jon Rafman produit des installations, des impressions numériques, des vidéos et des peintures. Mais aussi des sculptures, dont huit sont présentées à la galerie.

Ces oeuvres uniques transmettent sa perception de la représentation de l'homme sur internet avec un souci non feint de mêler l'ancien et le nouveau. Elles ont été «modelées» sur ordinateur, comme s'il les avait faites de ses mains, mais ensuite incarnées en résine grâce à une imprimante 3D puis peaufinées avec un fini à la feuille d'or, à la peinture métallique, au béton, au pigment doré ou à la poudre d'aluminium.

Cela donne des bustes abstraits inspirés d'un poème d'Ezra Pound qui évoque la vie d'un artiste qui essaie de survivre dans une ère d'ignorance. Ses deux sculptures les plus récentes sont plus figuratives. Ce sont des personnages déformés et en mouvement intitulés Manifolds, qui traduisent «comment le numérique peut influer sur l'homme».

«Je suis encore profondément humaniste, dit Jon Rafman. Une de mes préoccupations, aujourd'hui, est de voir comment la technologie affecte ce que signifie le fait d'être un humain.»

Dans une autre salle, il expose Cockpit, un placard contenant un siège et un écran qui diffuse son film Mainsqueeze en boucle. Cette oeuvre - dans laquelle on peut s'asseoir - illustre le côté renfermé de l'internaute pathologique, qui se réfugie dans son espace virtuel chéri. Le film Mainsqueeze projette des images ahurissantes, ridicules ou carrément inhumaines que des internautes ont téléchargées sur le web.

«Cela montre les tensions qui existent entre monde virtuel et monde réel, dit l'artiste. Et le fait que certaines personnes passent leur vie dans ce genre d'environnement pour échapper au monde réel.»

On est là au coeur de la réflexion de Jon Rafman sur le monde numérique. Un monde qu'il observe sans le critiquer vraiment (un peu comme le Néo-Zélandais Simon Denny), vu qu'il vit en partie dans cet univers virtuel. «J'aime cette culture, dit-il. Tout mon travail porte là-dessus. C'est un monde parfois complètement artificiel, mais il révèle une sorte de ras-le-bol du monde réel qu'on essaie de fuir.»

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Hot Spring Eternal II, de Jon Rafman. À la Galerie Antoine Ertaskiran. 1894, rue Payette, dans Griffintown. Jusqu'au 22 novembre.

Les plaisirs de la mélancolie

La Galerie de l'UQAM présente l'exposition Secret Citadel de l'artiste canadien Graeme Patterson, une magnifique série de quatre installations ludiques et émouvantes autour du thème de l'amitié.

On savait Graeme Patterson nostalgique, eu égard à ses travaux précédents. On le connaît maintenant mélancolique. 

Avec Secret Citadel, l'artiste originaire de Saskatoon poursuit sa quête biographique qui se traduit par des reconstitutions miniatures minutieuses, voire maniaques, de lieux et de moments qui ont marqué sa vie.

Sa mélancolie est tout sauf lourde puisqu'elle traite de façon ludique d'une amitié de jeunesse, aujourd'hui dissoute, en usant du style de la fable. Les deux amis d'enfance sont représentés par un bison et un couguar qui ont tout partagé pendant des années. On apercevra ces personnages en animation autant qu'en costumes.

Quatre magnifiques installations dressent le parcours de cette relation entre deux jeunes de milieux différents. Dans l'esprit inventif de l'artiste, leur amitié devient une montagne de souvenirs, un camp de vacances où le drame surgit, une école où le sport les réunit, puis un piano-bar qui les sépare à jamais. 

Graeme Patterson démultiplie les points de vue et maximise l'utilisation du son et de la vidéo pour nous faire revivre les images troubles de ses souvenirs les plus touchants et de ses émois d'enfant et d'adolescent.

Sa citadelle secrète est celle que l'on garde en soi, que l'on recrée au besoin, et que l'on chérit toute une vie parce que les émotions qu'on y a vécues sont belles et grandes à la fois.

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L'exposition Secret Citadel de Graeme Patterson est présentée jusqu'au 6 décembre à la Galerie de l'UQAM.

Photo: fournie par la Galerie de l'UQAM

Secret Citadel (extrait d'une animation vidéo), 2013.

Les autres expos à voir

> FEDERICO CARBAJAL/SYLVAIN LESSARD

La galerie Dominique Bouffard explore les relations entre art et architecture avec deux expositions en parallèle. Avec Architectures anatomiques, le Montréalais d'origine mexicaine Federico Carbajal étudie les rapports entre le corps humain et l'architecture. Architecte de métier, Sylvain Lessard évoque de son côté l'empreinte urbanistique avec les oeuvres en noir et blanc de sa série Villes: les pictogrammes.

À la galerie Dominique Bouffard, du 8 novembre au 6 décembre.

> PAUL HARDY

Abstractions ambiguës. Ce fin mot ne décrit pas toute la démarche de création qui se cache derrière les couches multiples des oeuvres de Paul Hardy, réunies ici sous le titre Et ensuite, on recommence. À la manière du grand peintre allemand Gerhard Richter, l'artiste de 34 ans construit et déconstruit longtemps ses tableaux jusqu'à ce qu'émerge une vision, celle de sa subjectivité. 

À la Parisian Laundry, jusqu'au 15 novembre.

> NORMAND HUDON 

Dès dimanche, la galerie Le Balcon d'art, à Saint-Lambert, présentera l'exposition Normand Hudon, peintre ou magicien et lancera un livre du même titre couvrant 40 ans de créations de l'artiste et ex-caricaturiste de La Presse, mort en 1997. Parmi les oeuvres exposées, cette sérigraphie inédite intitulée Maurice et représentant un joueur de hockey dont on a beaucoup parlé cette semaine. 

À la galerie Le Balcon d'art, jusqu'au 19 novembre.

> AIDAN PONTARINI

Avec Hairy Larry Harakiri, le commissaire Réal Lussier et le peintre Aidan Pontarini s'amusent. Avec raison: à 22 ans, le jeune artiste a tout le temps devant lui. Ses oeuvres ludiques renvoient tout à la fois à un esprit de conte et de cartoon déjanté. Son utilisation des couleurs fait penser, en moins sombre, à celle d'Annie Hémond Hotte. À suivre.

À la galerie Lilian Rodriguez, du 8 novembre au 20 décembre.

- Mario Cloutier, La Presse

Photo: fournie par la Galerie Dominique Bouffard

Anatomical No-Body: Heart, de Federico Carbajal