Lors de sa récente exposition à la galerie Division, cet été, Nicolas Baier s'interrogeait sur l'origine de l'homme avec des tableaux qui mêlaient art et physique des particules. Fasciné par l'astrophysique et le sens de la vie, l'artiste montréalais a créé pour la Biennale une grande sculpture en acier inoxydable, Eternity, qui s'interroge cette fois-ci sur notre devenir. La Presse l'a rencontré près de son oeuvre...

Comment est née cette sculpture, Eternity?

L'idée m'est venue il y a plusieurs années en me promenant à Toronto. J'avais vu un salon de barbier qui avait ce nom-là, Eternity. Ça m'avait sauté aux yeux. Pour la créer, j'ai engagé un ferblantier spécialisé dans le lettrage commercial. Ça ressemble un peu à un rideau de scène ou à une palissade. On ne sait pas où est le début ni la fin. On peut pénétrer dedans, dans la forme du E, si l'on est assez mince! C'est aussi une sorte de miroir. On se projette dans la sculpture et il y a une réflexion dans notre for intérieur. Je voulais que les gens se demandent un peu ce que c'est...

La sculpture fait plus de 3 mètres de hauteur. Du coup, on ne peut pas voir le mot eternity écrit sur le dessus.

Mais il était hors de question qu'on puisse le voir! J'avais eu des offres pour faire cette pièce-là à l'extérieur. Mais j'ai refusé, car si on peut voir le mot, ça perd tout son sens car ça donnerait la clé.

Pourquoi ce mot, eternity, t'avait-il sauté aux yeux?

On voue un grand respect au mot «éternité», mais c'est un mot un peu ridicule, car si l'éternité ne finit jamais, alors elle ne commence jamais. L'un ne va pas sans l'autre. Si on ne conçoit pas de fin, alors, on ne peut pas concevoir un début non plus. Le Big Bang n'existe plus avec le concept d'éternité. En même temps, en tant qu'humain, on se trouve dans une sorte d'éternité, le présent étant la forme la plus vivante de notre éternité, puisqu'on vit éternellement dans le présent. En fait, jusqu'à notre mort, mais on n'en aura pas conscience.

Alors, cette grande oeuvre solide évoque combien l'homme est petit et fugace?

Eternity est en acier inoxydable. C'est donc une oeuvre qui est censée avoir une certaine pérennité. Mais elle évoque aussi la finitude de l'homme, le fait que l'homme est minuscule par rapport au temps. Elle évoque aussi la mort de la conscience. Comme si tout ça serait vain. Rien de nous ne peut survivre. Rien ne peut être conservé. Après la mort du Soleil, il n'y aura pas de témoignage de notre présence sur Terre, de tout ce qui s'est passé ici. Même l'univers va mourir, de toute façon.

Le fait qu'Eternity se retrouve à côté du cerf empaillé de l'artiste torontois Abbas Akhavan, ça fonctionne bien du coup?

Ça marche au boutte. Je suis vraiment content de cette liaison. Au début, j'étais surpris, mais ça fonctionne. C'est comme une entité biologique morte. Avec le thème de ma pièce, ça crée un autre effet de miroir. Après avoir travaillé tant d'années sur cette sculpture, je voulais que ça marche, car ce n'était pas une pièce facile à faire et elle a été coûteuse à produire!

Finalement, Eternity colle parfaitement au thème de la biennale, L'avenir (looking forward)?

J'avais pris le titre au pied de la lettre. Avec Eternity, je suis plus proche des beaux-arts que d'autres artistes qui participent à la biennale. Mais proche des beaux-arts en essayant de renouveler le genre. J'essaie tout le temps de changer mon travail. C'est pas toujours facile, car les gens peuvent s'attendre à quelque chose de précis de ta part. Mais chaque expo est l'occasion de secouer la baraque un peu!

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Eternity, de Nicolas Baier. À la Biennale de Montréal, Musée d'art contemporain de Montréal, jusqu'au 4 janvier.