C'est parti! La Biennale de Montréal s'ouvre aujourd'hui au Musée d'art contemporain et sur 13 sites du centre-ville. Quelque 150 oeuvres sont exposées jusqu'au 4 janvier pour cette grande fête de l'art contemporain qui, cette année, est organisée sur le terrain des idées.

«C'est un renouveau de la Biennale de Montréal. La première fois qu'elle est si internationale et qu'elle s'inscrit dans le réseau des grandes biennales du monde.»

Conservatrice au Musée d'art contemporain de Montréal (MAC) depuis sept ans, Lesley Johnstone, une des quatre commissaires de BNLMTL 2014, a bien résumé, lors d'une table ronde organisée lundi soir au musée McCord, l'impression qui se dégageait d'une première visite, hier, des oeuvres exposées au MAC.

C'est en effet une biennale pas comme les autres qui s'ouvre au public aujourd'hui. Très différente par son ampleur par rapport à celles que Montréal a connues depuis 1998. Mais aussi très dissemblable quant au contenu. La visite médiatique de près de six heures a permis aux journalistes de prendre la mesure de l'incroyable densité de cet événement d'art contemporain, un grand nombre des artistes choisis offrant des réflexions sur des sujets majeurs de notre temps. À commencer par l'inquiétude croissante suscitée par l'état de notre planète.

Le thème environnemental est embrassé par un grand nombre d'artistes. La Québécoise Isabelle Hayeur et ses images aquatiques; la Québécoise Susan Turcot et la Suissesse Ursula Bierman, qui traitent toutes deux, de façon différente, des dégâts provoqués par l'exploitation des sables bitumineux albertains; le collectif transnational Arctic Perspective Initiative et ses installations sur l'importance de protéger l'Arctique; l'Australienne Susan Norrie avec son film Rules of Play qui aborde notamment les défis environnementaux de la région située à la frontière entre le Japon et la Russie.

Les artistes évoquent aussi la crise économique mondiale et la force des marchés financiers. C'est le cas des Québécois Richard Ibghy et Marilou Lemmens avec leur oeuvre The Prophets, qui expose graphiques économiques en 3D sur une grande table. Et également du duo suédois Goldin+Senneby et de son oeuvre reposant sur les liens entre la Bourse, le théâtre et la narration.

Le social n'est pas en reste avec les photographies du Palestinien Taysir Batniji prises au Bahreïn, la réflexion de la Canadienne Althea Thauberger en Croatie, l'identité culturelle des Autochtones évoquée par le Britanno-Colombien Raymond Boisjoly, l'installation de l'Américaine Andrea Bowers, qui s'est penchée sur le cas du viol d'une jeune fille banalisé sur un réseau social, ou le travail de fond du Québécois Étienne Tremblay-Tardif sur la reconstruction de l'échangeur Turcot.

Des sujets donc souvent «engagés», ce qui a fait dire à Nicolas Baier, hier, qu'avec son oeuvre monumentale Eternity en acier inoxydable évoquant notre finitude, il avait l'air d'un «Martien». Mais le fait que sa brillante sculpture côtoie un cerf empaillé par le Torontois Abbas Akhavan et posé sur le sol crée un lien fort et porte à réfléchir.

Ère numérique

Un grand nombre d'oeuvres sont des installations comprenant de la vidéo. Ce n'est pas un choix délibéré, mais la traduction qu'aujourd'hui bien des artistes utilisent ce médium pour s'exprimer. Les commissaires ont placé les oeuvres selon un continuum fluide afin de créer un dialogue entre elles.

«Cela a été tout un défi de présentation», a dit la commissaire canadienne Peggy Gale. La biennale présente de «multiples trajectoires» et de «multiples narrations» selon le commissaire néo-zélandais Gregory Burke. Le thème de la biennale, «L'avenir (looking forward)», n'est pas une simple traduction mais évoque deux idées: ne pas pouvoir prédire le futur tout en cherchant à se projeter vers un meilleur demain.

«La biennale aborde aussi le rôle de l'art dans le futur, a dit Lesley Johnstone. Comment il peut avoir une influence dans la politique de la société.» Mme Johnstone a expliqué que les débats pour le choix des artistes sont survenus notamment pendant le printemps érable, en 2012.

«Cet élan pour une justice sociale, pour une économie avec un partage des ressources, toutes ces idées de justice, cela a eu une influence sur le choix de plusieurs oeuvres», a-t-elle dit lors de la table ronde, lundi, ajoutant hier que l'exposition donne une voix à bien du monde souvent marginalisé. Par exemple, les sans-abri, avec la projection nocturne extérieure du Polonais Krzysztof Wodiczko.

Le commissaire Mark Lanctôt a estimé, hier, que cette biennale des idées est «une invitation à l'engagement, à prendre part au monde et à l'avenir de notre société». «Les artistes nous posent des questions, dit-il. En quelque sorte, ils espèrent que nous répondrons.»

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Au Musée d'art contemporain et sur 13 autres sites, jusqu'au 4 janvier 2015. Le mardi, de 11h à 18h. Du mercredi au vendredi, de 11h à 21h. Le samedi et le dimanche, de 10h à 18h. Infos à www.bnlmtl2014.org