Le pape français du surréalisme, André Breton, revit à travers son bureau, ses objets et sa collection d'art, dans le cadre d'une exposition présentée à Cahors, en plein coeur d'une région chère à l'écrivain.

C'est le pari du conservateur en chef du musée Henri-Martin, Laurent Guillaut, et de la commissaire d'exposition indépendante Constance Krebs, à l'origine du site andrebreton.fr, dans une initiative soutenue par Aube Elléouët, la fille de l'écrivain décédé en 1966.

Pour la première fois, le public peut voir depuis samedi le bureau sur lequel Breton écrivait sous l'oeil sévère du Papou Ouli, sa statue hermaphrodite d'ancêtres posée sur cette grande table de bois où s'entassent pêle-mêle boîtes à tabac, pipes, collection de coléoptères, plumiers...

«Le bureau - et tout ce qu'il y a dessus - a été donné par Aube Elléouët à la bibliothèque littéraire de chercheurs Jacques Doucet, à Paris, mais il n'était pas vraiment accessible au grand public», indique Constance Krebs.

Sur les murs autour du meuble, un autoportrait de l'artiste peintre mexicaine Frida Kalho rappelle les moments de Breton passés avec elle et Léon Trotski à Mexico.

On y voit un Max Ernst, des toiles aux couleurs chatoyantes de l'Algérienne Baya - de son vrai nom Fatma Haddad -, dont il avait préfacé le catalogue, des Dali, Chirico, Magritte... Et ses découvertes d'arts primitifs Hopi ou océaniens.

Sans compter son Mur d'objets, partie de la collection permanente du musée parisien Georges Pompidou que le public pourra voir virtuellement, tout comme les Parisiens pourront profiter via internet du bureau exposé à Cahors jusqu'au 29 décembre.

«Un écran interactif permet au public de cliquer sur un objet du mur exposé à Beaubourg et de là-bas, la même chose avec le bureau exposé ici», explique Mme Krebs.

Une capacité d'amour sans limites

«L'exposition est certainement une ouverture plus large sur tous les centres d'intérêt de mon père et qui naviguaient autour de lui», confie, dans une rare entrevue accordée par téléphone à l'AFP, l'unique enfant de Breton, âgée de 79 ans.

André Breton a vécu de longs moments à l'Auberge des mariniers, qu'il avait achetée au peintre Henri-Martin à Saint Cirq-Lapopie, à une trentaine de kilomètres de Cahors.

Dans les années 1950-1960, il y reçut une pléthore d'artistes et Citoyens du Monde: les peintres Max Ernst et Miro, les photographes Man Ray et Henri Cartier-Bresson, le poète surréaliste Benjamin Péret..

L'Initiateur découvreur, sous-titre de l'exposition La maison de verre, avait découvert ce village médiéval juché au-dessus d'une vallée en venant soutenir la route Mondiale Numéro Un, le 24 juin 1950, dans une caravane de Citoyens du Monde, un mouvement déterminé à faire tomber les frontières après la Seconde guerre mondiale créé par le pilote américain Garry Davis.

Une borne assortie de clichés des 30 km de route mondiale pris par la photographe Nadia Benchallal, en pleine rediffusion des Actualités de l'époque, rappelle au visiteur cette période intense de la vie de Breton.

L'exposition s'ouvre sur une salle consacrée à une première partie importante de sa vie, la période dite de Nadja, son roman autobiographique (1928) et surnom de sa muse Léona Delcourt.

André Breton résumait déjà dans Nadja, dont des annotations originales sont exposées, toute sa philosophie: il écrit vivre dans une «Maison de verre», «où l'on peut voir à toute heure qui vient me rendre visite...».

«Les messages de mon père à travers le surréalisme, c'était d'ouvrir plus grand les portes et les fenêtres vers plus de liberté dans tous les domaines», commente Aube Elléouët, en soi «une capacité d'amour sans limites».