C'est un des tableaux les plus célèbres du monde, il a donné son nom à l'impressionnisme, pourtant Impression, soleil levant de Claude Monet a conservé une part d'ombre: le musée Marmottan, à Paris, a mené l'enquête.

Est-ce son véritable titre? Et d'ailleurs s'agit-il bien d'un lever de soleil? À quelle date a-t-il été peint? Et où exactement?

Autant de questions, et d'autres encore, auxquelles veut répondre une exposition (du 18 septembre au 18 janvier) retraçant le destin singulier de cette icône de la modernité intégrée dans les collections de Marmottan en 1940.

Impression, soleil levant, peint au Havre, est présenté sous ce nom pour la première fois le 15 avril 1874 dans l'atelier du photographe Nadar. Le critique Louis Leroy, du journal satirique Le Charivari, invente alors le terme impressionnisme qui fera flores.

«Mettez Impression», répondit Claude Monet lorsqu'on lui demanda le titre de la toile pour le catalogue de 1874. «Ça ne pouvait vraiment pas passer pour une vue du Havre», se souviendra-t-il beaucoup plus tard.

Entre la brume bleutée et les reflets dans l'eau, difficile en effet de savoir avec précision ce que le peintre a représenté, même si des gréements et des grues se distinguent tandis que deux barques occupent le premier plan.

Peu après l'exposition, Impression, soleil levant est acquis par Ernest Hoschédé, un collectionneur compulsif qui acheta de nombreuses oeuvres de Monet avant d'en revendre aux enchères en 1878. Parmi celles-ci, un Impression, soleil couchant, titre employé à plusieurs reprises dans les années suivantes. La toile est appelée aussi L'impression, Effet de brouillard, Impression et même Coucher de soleil.

Un astrophysicien à la rescousse

Alors, soleil levant ou couchant? Les commissaires de l'exposition, Marianne Mathieu et Dominique Lobstein, ont minutieusement reconstitué la configuration du Havre à l'époque pour déterminer quel fut le motif du peintre depuis son point d'observation - sa chambre à l'Hôtel de l'Amirauté - Monet regardait le port industrialisé vers le sud-est et l'écluse des Transatlantiques. Il s'agit donc bien d'un soleil levant.

Autour d'Impression..., l'exposition présente les sources d'inspiration de l'artiste, notamment des études et des vues du Havre d'Eugène Boudin, et des couchers de soleil de Johan Barthold Jongkind, deux peintres qui l'ont beaucoup marqué, ainsi qu'une toile exceptionnelle de Monet, Le port du Havre, effet de nuit, provenant d'une collection particulière.

Autre incertitude entourant le tableau: la date à laquelle il a été réalisé, depuis longtemps discutée. 1873 comme l'affirme Daniel Wildenstein dans son catalogue raisonné ou 1872 comme l'indique une mention sur la toile? Combinant table des marées, bulletins météorologiques de l'époque et analyse topographique du port du Havre, Donald W. Olson, astrophysicien à l'Université du Texas, propose finalement deux dates: le 25 janvier 1873 ou le 13 novembre 1872, considérée par les commissaires comme la plus probable.

Acheté 800 francs à Monet par Ernest Hoschédé, Impression... est acquis quatre ans plus tard pour 210 francs par un collectionneur roumain, Georges de Bellio. Médecin, issu d'une riche famille, il le conservera toute sa vie, assurant à Monet en 1891, qu'Impression ne quitterait jamais sa collection.

«En même temps, le tableau a sombré dans l'oubli», souligne à l'AFP Marianne Mathieu. Comme en témoignent de nombreux documents réunis dans l'exposition (catalogues, estimation d'assurances...), Impression... ne figure pas parmi les oeuvres les plus cotées.

La fille de Georges de Bellio, Victorine, dont Renoir fit le portrait, va contribuer avec son mari, Eugène Donop de Monchy, à faire sortir Impression... de l'oubli. Le tableau symbole de l'impressionnisme est présenté au public en 1931 à Paris, puis figure dans une exposition de la peinture française à Varsovie et Prague en 1937.

En 1940, le couple, qui n'a pas d'héritier, lègue la toile au musée Marmottan où ils avaient organisé en 1938 une exposition de prestige.