L'avenue du Mont-Royal Est est déjà en hiver! L'association qui représente les commerçants de l'artère organise, jusqu'au 27 octobre, sur le trottoir entre les rues de Bullion et Messier, une exposition de 53 photos grand format de la photographe montréalaise Linda Rutenberg sur le thème de l'hiver en Gaspésie. Rafraîchissant!

À en croire les Gaspésiens et les amoureux de la péninsule, l'hiver se conjugue aux paysages de façon très particulière en Gaspésie.

Avec un vent plus violent et plus fou, des neiges aux blancs changeants, des ciels bleu dur, un air qu'on croirait plus oxygéné qu'ailleurs, des glaces aux formes variées s'échouant sur la grève, des sites gelés ou enfouis soudain redevenus vierges d'humains et une température qui se mêle à l'humidité pour encroûter les visages et réfrigérer les sourcils, l'hiver gaspésien n'est finalement réservé qu'aux adorateurs de Boreas, le dieu du froid!

La Montréalaise Linda Rutenberg, qui abhorre l'hiver dans la métropole, a été si fascinée par la froidure gaspésienne qu'elle est allée - sept fois durant trois ans - l'affronter et la dompter au moyen de son appareil photo.

Il en est ressorti un livre, La Gaspésie: au bord de l'infini, publié en français aux Éditions Del Busso et en anglais par Verve Editions. Un livre qui a tellement plu à l'association commerciale qu'elle a choisi d'éditer de grands tirages de 53 photos du livre pour créer des panneaux et les placer tout au long de l'avenue.

Le reportage photo de Linda Rutenberg, chasseuse d'images depuis 30 ans, est une histoire de passages, ses pas ayant foulé le sol gaspésien après ceux de centaines de milliers de touristes, jusqu'à ceux des premiers Micmacs et des pionniers français.

C'est aussi l'histoire d'un regard, celui si original de Linda Rutenberg. Ses photos ont capté une Gaspésie que nous - les étrangers! - n'avons jamais vue, ou si peu. Son rocher Percé pris depuis le village de Barachois n'est pas habituel, engoncé dans la glace qui scintille dans une atmosphère vitreuse.

La Gaspésie qu'elle a saisie a des formes géométriques et des couleurs vives qui donnent souvent à ses photos des aspects d'installation d'art contemporain. Comme son Cube jaune de L'Isle-Verte et autres Cabane à pêche (numéros 1 à 5) de Gaspé, des bicoques que des autochtones ont bâties de bric et de broc. Ou comme son banc orangé des Méchins qui regarde passer les blocs de glace sur le fleuve en mars.

Héritière insoumise de Gabor Szilasi, Linda Rutenberg n'est pas documentariste ou paysagiste, mais une interprète à part entière. Une «fille de Szilasi» qui aurait choisi sa route pour donner aux éoliennes de Matane ou aux bateaux de Paspébiac des airs fantomatiques et rendre ambiguë la réalité tout en la magnifiant.

«Je suis photographe beaux-arts, dit-elle en décrivant une de ses photos. J'utilise mes images comme un mode d'expression, comme une plume ou un pinceau, pour exprimer un sentiment, une émotion. Mon travail en est un de transformation. J'aime quand les gens de Gaspé me disent qu'après avoir vu mes photos au Musée de la Gaspésie, ils verront maintenant leur hiver d'un oeil différent.»

Exposant un peu partout dans le monde, Linda Rutenberg (ex-copropriétaire de l'ex-galerie Mistral) en est à son cinquième ouvrage, après notamment Jardins de nuit, qui a connu un fort succès international, et un livre sur le mont Royal en collaboration avec les Amis de la montagne.

Elle partira dans quelques semaines en Israël pour un autre reportage sur les passages de civilisations, dans la région de la forteresse de Massada, où elle n'ira pas séduire la neige cette fois, mais le sable du désert...

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La Gaspésie: au bord de l'infini, avenue du Mont-Royal Est, entre les rues de Bullion et Messier, jusqu'au 27 octobre