Jamais les Escales improbables n'auront aussi bien porté leur nom. L'énorme ballon rouge conçu il y a 13 ans par l'artiste new-yorkais Kurt Perschke s'arrête à Montréal pour la première fois. On pourra le voir pendant une semaine dans sept lieux publics de la ville à partir de demain. Explications.

Non seulement cette escale de Kurt Perschke est-elle improbable, mais encore, une fois le projet RedBall passé, il risque bien de ne jamais revenir ici. Car jamais son créateur ne ramène son ballon rouge dans les villes qu'il a visitées. Le ballon poursuit ainsi sa course, inexorablement.

Lorsque nous l'avons joint la semaine dernière, à New York, le sculpteur et plasticien américain planifiait un arrêt à Singapour. Loin de s'essouffler, le projet créé en 2001 ne cesse d'intéresser les villes d'Amérique du Nord, d'Europe et maintenant d'Asie. Tout le monde veut mettre la main sur ce ballon rouge...

L'objectif: placer le ballon surdimensionné dans des lieux extérieurs d'une ville de manière à révéler les éléments d'architecture et les espaces urbains qui l'entourent.

Ici, on pourra le voir par exemple au parc La Fontaine, sur l'esplanade de la Place des Arts, à la Biosphère du parc Jean-Drapeau, à l'ancienne gare Jean-Talon, etc.

Q+R

Ce ballon a littéralement pris le contrôle de votre vie, à ce que je vois...

C'est un projet qui a une vie très active, oui... et qui m'entraîne bien sûr avec lui un peu partout dans le monde. Mais je promène mon ballon trois ou quatre fois par année, donc j'ai quand même le temps de me consacrer à d'autres projets. Je travaille à la fois comme artiste visuel et comme scénographe.

Comment ce projet est-il né?

Le projet a été créé en 2001 à St. Louis [dans le Missouri] dans le cadre d'un projet d'art de rue. Dès que j'ai eu l'idée de créer cet énorme ballon rouge, je me suis tout de suite dit qu'il fallait le faire voyager. Nous l'avons d'abord amené à Barcelone où, bizarrement, on s'est vu refuser l'accès à de nombreux lieux extérieurs. On l'a quand même fait, sans avoir les autorisations. Maintenant que le projet est connu, on se fait inviter, donc ça ne cause plus de problèmes.

Parlez-nous du ballon. Comment le décririez-vous?

C'est un ballon d'environ cinq mètres de haut, essentiellement deux fois plus grand qu'un être humain. Cette proportion nous permet d'explorer notre rapport à l'architecture, qui est sensiblement du même ordre. Une fois niché dans des lieux extérieurs, le ballon révèle divers aspects du mobilier urbain. C'est une façon d'attirer le regard sur les différents éléments qui composent notre ville.

Il a l'air solide, votre ballon... De quel matériau est-il fait?

C'est une structure gonflable, mais, pour qu'il soit solide, nous l'avons construit avec les mêmes matériaux que les bateaux pneumatiques. La première fois que je l'ai dessiné, il était rouge. C'était important pour moi parce que le rouge communique l'énergie, le jeu, l'amour, l'enfance aussi.

C'est vous qui choisissez les lieux où le ballon sera placé. Comment vous préparez-vous à cela?

L'identification des sites est primordiale. Par exemple, l'an dernier, je suis venu à Montréal pour la première fois et je me suis promené dans la ville pendant 10 jours en plein hiver avec un appareil photo et un calepin à croquis. Le festival m'a guidé vers des lieux, mais j'ai arpenté la ville à ma façon, comme un touriste doté d'une mission.

Sept lieux, ce n'est pas beaucoup. Ce sont des choix difficiles à faire?

Oui, bien sûr. J'ai essayé de faire des liens entre les différents lieux que j'ai choisis pour que le ballon soit réellement en mouvement, mais ce que je souhaite justement, c'est que les gens se disent: pourquoi le ballon n'a-t-il pas plutôt été placé à tel endroit? Cette énergie-là, créée par le public, est au coeur du projet. Au fond, le ballon est un prétexte pour amener les gens à jeter un regard différent sur leur ville.

Qu'est-ce qui vous a le plus frappé durant votre séjour à Montréal?

J'ai trouvé que d'un point de vue historique, il y avait des styles très distincts. Le Vieux-Montréal, le centre-ville, le lieu de l'Expo 67: c'est assez inhabituel de voir des lieux qui correspondent à des périodes aussi différentes de l'histoire d'une ville. Montréal est aussi une ville de quartiers. C'est une ville qui frappe très fort dans l'imaginaire collectif. Ne le prenez pas mal, mais c'est beaucoup moins grand que ce qu'on peut imaginer. Par contre, c'est une ville douillette...

Qu'est-ce qui fait le succès du projet, selon vous?

Ce que j'ai découvert depuis 13 ans, c'est la relation des gens avec leur ville. Ce projet fonctionne bien dans des lieux qui sont ouverts et fréquentés par les passants. Plus les gens sont dans leurs voitures, moins le projet a de sens. Les villes encombrées de voitures sont celles qui présentent les plus grands défis. Parce qu'on ne peut rien expérimenter dans sa ville à l'intérieur de sa voiture. En fin de compte, ça touche au sentiment d'appartenance des gens à leur ville.

Dans sept lieux de la métropole, du 31 août au 6 septembre, dans le cadre des Escales improbables. Info: www.escalesimprobables.com