Présentée au Musée des beaux-arts de Montréal, l'exposition Fabuleux Fabergé parle de deux histoires. Celle de la Russie impériale éradiquée dans le sang par les bolcheviks; et celle de Karl Fabergé, orfèvre de génie.

Après Jean Paul Gaultier (en 2011), Tom Wesselmann (en 2012) et Dale Chihuly l'an dernier, le MBAM présente à nouveau une exposition estivale passionnante et instructive pour célébrer Karl Fabergé, le grand joaillier russe connu pour ses oeufs impériaux.

La joaillerie et les bijoux ne sont pas la tasse de thé de bien des amateurs d'art. Or, on déguste avec beaucoup de plaisir l'univers de Fabergé grâce à l'angle historique de l'exposition.

On doit la genèse de Fabuleux Fabergé à un prêt d'oeuvres de la collection Lillian Pratt par le Virginia Museum of Fine Arts et au travail d'un spécialiste de Fabergé, Géza von Habsbourg. L'exposition est aussi une réussite grâce à la scénographie d'Hubert Le Gall, à la fois collée au sujet et esthétiquement recherchée.

Le Gall s'est inspiré notamment de photos d'ateliers de Fabergé pour créer l'architecture des présentoirs d'une des salles, reprenant l'arrondi des établis qui permettaient aux artisans de poser leurs coudes pour travailler.

Dans cette salle, on peut admirer les objets fantaisie de Fabergé: petits chiens en obsidienne ou fleurs en or et saphirs, des objets assez ordinaires s'ils n'avaient été créés avec délicatesse, reproduisant parfaitement le réel.

Artisans de génie

Plats à poisson, poignées d'ombrelles, étuis à cigarettes, encrier ou salière, l'atelier Fabergé produisait des objets du quotidien avec l'aide d'artisans de génie auxquels l'exposition rend hommage, tel Erik Kollin, qui a créé un magnifique globe terrestre en or et cristal de roche en 1899.

Bien sûr, le clou de l'événement réside dans les oeufs impériaux Fabergé; ils symbolisent encore le nec plus ultra du raffinement. On découvre avec quelle régularité le tsar Nicolas II a offert ces oeufs de Pâques Fabergé à sa femme et à sa mère jusqu'à la révolution communiste.

De la collection Pratt, on peut admirer quatre de ses cinq oeufs impériaux. Quatre oeufs bien différents les uns des autres, quoique toujours d'une hauteur d'une dizaine de centimètres. Des oeufs dont le design dépendait de la personne qui le recevait et de l'événement qu'il soulignait. C'est ainsi que l'oeuf impérial dit «du tsarévitch», réalisé par Henrik Wigström en 1912, renferme un portrait miniature du tsarévitch Alexis, héritier du trône, alors âgé de 8 ans.

Dans la quatrième salle moquettée de rouge, des vitrines présentent des objets de la famille impériale. On entre dans l'intimité des Romanov avec un grand nombre de photos encadrées. L'atelier Fabergé produira beaucoup de cadres après 1890, date de la création de l'appareil-photo portable.

À la sortie de l'exposition, on a placé 48 photos d'oeufs et d'autres objets de luxe. On peut admirer toutes les surprises que contenaient ces oeufs Fabergé: un petit train, une montre, un château miniature, des fleurs, etc.

On quitte l'exposition avec un film qui replace cette démesure du bel art dans le contexte de grande pauvreté du peuple russe au début du XXe siècle. Contrairement aux autres pays européens, la Russie n'avait alors ni Parlement ni Constitution. Léon Tolstoï avait prévenu le tsar que cette situation sociale ne pouvait plus durer. Situation qui a empiré et entraîné la chute de la dynastie tricentenaire des Romanov, ainsi que celle d'un des plus grands créateurs de l'histoire de la Russie.

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Au MBAM, jusqu'au 5 octobre.