L'intérêt de Nicolas Baier pour l'astrophysique a mené l'artiste à une recherche picturale, inédite pour lui, qui combine art et physique des particules. À voir à la galerie Division cet été...

Sculpteur, collagiste et photographe, Nicolas Baier est un électron libre en art visuel, un plasticien touche-à-tout. Il n'avait jamais peint depuis l'université, jusqu'à ce que son engouement pour la physique fondamentale lui donne l'idée de reconstituer - sans les interpréter - des images de collisions de particules en provenance notamment du CERN, ce laboratoire de recherche européen qui utilise les machines les plus sophistiquées que l'humain ait construites.

Derrière sa passion pour les particules élémentaires et l'origine de la vie, on trouve une réflexion existentielle sur la soif de connaissance de l'être humain, ses croyances et ses doutes. Son idée de base de représenter ce que la recherche a découvert n'est pas révolutionnaire et la création qui en résulte, purement mécanique. Les reconstitutions exposées à la galerie Division ressemblent aux images scientifiques qu'on peut voir sur internet. Mais le travail est bien fait, comme toujours...

Les oeuvres ont nécessité quatre mois de travail et l'aide de cinq assistants spécialisés dans la mise en scène picturale ou le faux fini. Les trois plus grands tableaux sont des tondi de 94 pouces de diamètre qui évoquent des expériences électromagnétiques.

Pour chaque tondo, Baier et ses assistants ont procédé à des découpages et collages de fines bandes de papier collant, dans le plus pur style hard edge, et des phases de peinture appliquée couche par couche à la spatule. La minutie est telle que, de loin, on a l'impression qu'il s'agit d'une photographie.

Toujours ce va-et-vient entre réalité et effet chez Nicolas Baier, artiste du contre-pied. Et puis, comment ne pas voir dans ces tondi un hommage à ceux de Claude Tousignant et une réflexion sur l'évolution picturale québécoise?

Essais et erreurs

Pour le tableau A03, plus petit, Nicolas Baier a reconstitué une expérience du type de celle de la chambre à bulles de Glaser, menée dans un vide à très basse température (- 260 °C) où les collisions de particules engendrent de petites bulles.

Avec ses flèches axées en une gerbe colorée, B08 est une interprétation du boson de Higgs, la «particule de Dieu» qui passionne la communauté scientifique à propos de l'apparition de l'univers. Quant aux monochromes A04, A05 et A06, ce sont à l'origine des expériences picturales ratées. Comme en astrophysique, les essais conduisent vers des réussites et des échecs. Mais l'échec peut avoir belle allure!

Dans une petite salle, on trouve quatre oeuvres plus classiques dont un bureau en granite noir au style funéraire qui relie universel et échelle humaine ainsi qu'un tableau créé en poudre de météorite.

Plus loin, deux tableaux font penser à une reproduction de constellations. L'artiste a acheté du fond de scène photo, représentant l'univers noir, qu'il a recouvert d'un pochoir percé de trous et qu'il a placé face au ciel durant un an. En résultent des marques - symbolisant des étoiles - créées par la lumière du soleil et qu'il a ensuite vernies pour que leur aspect ne soit plus modifié.

Baier s'est aussi inspiré de l'astrophysicien français Jean-Pierre Luminet, spécialiste des trous noirs, et des déviations des lumières galactiques liées aux forces gravitationnelles pour créer une oeuvre à partir d'un logiciel 3D, d'un dodécaèdre, d'une caméra virtuelle et d'une source de lumière. L'expérience faite au hasard sur ordinateur a même créé un trou noir! Fascinant.

Outre sa participation à la Biennale de Montréal, l'automne prochain, Nicolas Baier a déjà à l'esprit sa prochaine oeuvre. Il achète actuellement des nodules météoritiques de Canyon Diablo, en Arizona, pour créer une sculpture d'étoile de quatre pieds de diamètre et de 250 kg. Avec l'intention de la faire flotter en suspension dans la galerie d'art grâce à un champ électromagnétique! Baier poursuit son odyssée...

À la galerie Division (2020, rue William), jusqu'au 30 août.