Examen rétrospectif de l'art actuel d'un point de vue montréalais, La beauté du geste célèbre les bienfaiteurs du MAC, dont les dons constituent 45% de la collection d'oeuvres d'art.

«Le musée a voulu souligner la beauté du geste de donner, mais aussi de recevoir, dit John Zeppetelli, directeur général et conservateur en chef du MAC. Car recevoir, comme nous l'a appris l'anthropologue français Marcel Mauss, implique une responsabilité et une obligation de redonner.»

La conservatrice des 7800 oeuvres du musée, Josée Bélisle, prépare cette exposition historique depuis un an et demi. Parmi les artistes retenus, citons Andy Warhol, Betty Goodwin, Nicolas Baier, Francine Savard, Spencer Tunick, John Lyman, Alfred Pellan, Charles Daudelin, Paul-Émile Borduas, Jean Paul Riopelle, Antoni Tàpies, Anselm Kiefer, Irene F. Whittome, Kent Monkman, Dominique Blain, Pascal Grandmaison, Stéphane La Rue, David Altmejd, Louise Bourgeois, Geneviève Cadieux, Pierre Dorion et Cozic.

Les oeuvres ont été réparties dans plusieurs salles et espaces, dont les jardins du musée et même son toit avec une oeuvre nocturne, Souvenir du futur du Français Laurent Grasso, et bien sûr les lèvres emblématiques de Geneviève Cadieux.

Dans la salle De John Lyman à Eve Sussman, qui comprend 50 oeuvres données, on trouve Érosion douce, une abstraction délicate de Fernand Leduc, la puissante toile Red Sea, de Betty Goodwin, et Karfunkelfee, un tableau fort et dense d'Anselm Kiefer.

Une salle est consacrée aux oeuvres créées sur le thème de l'objet usuel, avec notamment des sculptures de Cozic et de Serge Murphy et une grande épreuve de Nicolas Baier. Une autre, plus vaste, présente Vent soudain, un paysage en bronze de Patrick Coutu, l'installation de Kent Monkman sur la bataille des plaines d'Abraham, l'autoportrait de Marina Abramovic avec un squelette, et Village, une oeuvre forte de Dominique Blain sur les guerres.

Pulse Room, de Rafael Lozano-Hemmer, occupe une grande salle du musée, en fait toute la superficie du plafond. À la confluence de l'architecture, de l'installation et de la performance, Pulse Room est une oeuvre biométrique. Elle est constituée de 300 grosses ampoules à incandescence suspendues qui réagissent au rythme des pouls des visiteurs par l'intermédiaire d'un capteur qu'on doit prendre dans ses mains.

«C'est une oeuvre interactive maîtresse de Rafael, dit John Zeppetelli. Les pulsations de ces ampoules scintillantes sont les témoins des battements de coeurs d'une communauté. C'est très beau.»

Mesiti et la musique

Mis à part l'exposition 1 + 1 = 1 qu'il a concoctée l'an dernier avec Stéphane Aquin au Musée des beaux-arts de Montréal, John Zeppetelli n'avait pas encore pris d'initiative curatoriale depuis son entrée en fonction au MAC, l'an dernier. C'est chose faite avec la première présence solo en Amérique du Nord d'Angelica Mesiti, jeune artiste australienne qui partage sa vie entre Paris et Sydney. Elle vient présenter deux installations vidéo sur le thème de la musique, Citizens Band et Prepared Piano for Movers, qui s'ajoutent à la présentation de La beauté du geste.

Créée en 2012, Citizens Band est une installation à quatre écrans. Sur chacun d'eux, un musicien immigré à Paris, Sydney ou Brisbane présente une performance musicale. L'un de ces musiciens était professeur d'université en Mongolie et à son arrivée en Australie, il a dû faire des chants de gorge et jouer du «morin khuur», une sorte de viole à tête de cheval, dans la rue, car il ne trouvait pas de travail. Il le fait dans la plus totale indifférence des passants. L'oeuvre est une méditation sur la préservation de sa propre culture à travers la musique.

Dans Prepared Piano for Movers, deux hommes transportent, dans un élégant escalier en spirale, un piano au sixième étage d'un immeuble parisien. Le piano a été «préparé» de telle sorte qu'à chaque mouvement brusque, ses marteaux produisent un son. Dans leur ascension difficile, les déménageurs créent donc une musique avant-gardiste.

«C'est une ode au travail de tous les jours, dit John Zeppetelli. Cela rappelle la peinture Les raboteurs de parquet, peinte par Gustave Caillebotte en 1875.»

Le MAC vu par...

Pénélope McQuade: Animatrice

«Le MAC est l'endroit où mon amour de la culture me ramène toujours. J'y vais pour être amusée, confrontée, fière de m'y perdre à ne rien comprendre et d'y trouver l'essence de ce qui me fait vibrer. Pour moi, le MAC est une bulle de beauté et je choisis avec parcimonie ceux avec qui je veux la partager en toute intimité. Parfois, quand j'entre dans d'autres musées d'art contemporain, j'ai un pincement au coeur parce que je vois ce que le MAC pourrait être: un lieu décomplexé qui fait éclater toutes les frontières, les siennes en premier. Plus d'art trash, plus de confrontation avec l'art traditionnel, plus de tout. Longue vie au MAC!»

François Girard: Réalisateur

«Le MAC est une institution remarquable et essentielle qui a su garder un lien étroit avec la communauté artistique montréalaise. Je garde un souvenir impérissable de mon passage au musée, où j'ai créé La Paresse. Cette résidence qu'on m'a offerte fut pour moi une inoubliable opportunité de retourner au médium de l'installation. Louise Ismert et toute l'équipe du MAC ont soutenu cette production magnifiquement. Bonne fête MAC!»

Claude Tousignant: Peintre

«La création du musée était sympathique, mais on était un peu méfiant. Du temps de Fernande [Saint-Martin], c'était très bien. À la Cité du Havre, les salles étaient très belles. Après, ça s'est gâté avec le «curé» [Marcel] Brisebois, qui a été là [pendant près de 20 ans], mais avec Marc Mayer et Paulette Gagnon, c'était très bien. J'ai eu mon exposition en 2009. C'était grandiose. Pour moi, c'était l'exposition la plus importante de ma vie. Aujourd'hui, je n'y vais pas tellement souvent, car le langage de la nouvelle génération est très différent du nôtre, alors on embarque plus ou moins.»