Les 50 oeufs de Fabergé demeurent, encore aujourd'hui, une référence du luxe et du raffinement. Vendu récemment, un de ses oeufs avait une valeur de 35 millions. L'exposition Fabuleux Fabergé, joaillier des tsars, présentée du 14 juin au 5 octobre au Musée des beaux-arts de Montréal, donnera l'occasion d'admirer quatre de ces oeufs et de connaître l'histoire du joaillier russe Karl Fabergé, disparu dans la tourmente de la Révolution russe de 1917.

Après les verres soufflés de Dale Chihuly, l'été dernier, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) propose cet été une exposition où des objets précieux parlent d'histoire, en l'occurrence celle de la Russie impériale. Le Virginia Museum of Fine Arts a prêté au MBAM la plus prestigieuse collection Fabergé hors de Russie, celle que la collectionneuse américaine Lillian Thomas Pratt a léguée au musée de Richmond en 1947.

Plus célèbre orfèvre du monde, Karl Fabergé (1846-1920) était fils de joaillier, à Saint-Pétersbourg. Ayant acquis une certaine expertise en Europe, son talent lui a permis de devenir fournisseur de la cour impériale des tsars Alexandre III et Nicolas II. Son prestige international est né de ses 50 oeufs décoratifs qu'il a régulièrement créés, à l'occasion du jour de Pâques, pour la famille impériale, entre 1885 et 1917.

Un an pour faire un oeuf

«Il fallait un an pour fabriquer chaque oeuf, dit Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du MBAM. Ce sont des chefs-d'oeuvre de maîtrise, de savoir-faire et d'ingéniosité. Leur rareté équivaut à celle d'un tableau de Vermeer. En fait, il n'y en a actuellement que 43 de retracés, car avec la révolution bolchévique, tout a été nationalisé et une partie des oeufs a quitté la Russie.»

L'exposition présente quatre des cinq oeufs impériaux de la collection Pratt et un grand nombre de bijoux Fabergé, des pendentifs, des cadres, des icônes, des figurines, etc. Au total, quelque 240 objets ont été disposés dans les quatre sections de l'exposition.

Son intérêt réside en grande partie dans la façon que Nathalie Bondil, assistée des commissaires Diane Charbonneau et Sylvain Cordier, a trouvée pour mettre ces objets en valeur.

En effet, les cadres émaillés, les bijoux, icônes et autre argenterie sont l'occasion de documenter le visiteur sur l'histoire des traditions de la Russie orthodoxe, les techniques d'atelier du joaillier Fabergé, la contrefaçon dont il a fait l'objet (les «fauxbergés»), et sur la fin du régime tsariste en 1917, quand la famille impériale a été assassinée par les bolchéviques.

«Je voulais que par la petite porte des arts décoratifs, on puisse apprendre la grande histoire de la Russie, notamment sur la symbolique des oeufs dans la Pâque orthodoxe depuis le Moyen Âge et sur l'Empire de Russie», dit Nathalie Bondil.

Expo sous haute surveillance

L'exposition, hautement surveillée compte tenu de la valeur des objets, a été créée selon une scénographie très contemporaine signée Hubert Le Gall. Constitué de vitrines réparties dans quatre salles, le parcours est le regard «d'un designer moderne sur un designer ancien», dit Nathalie Bondil.

Le visiteur peut, dès l'entrée, visionner un film de la BBC sur l'histoire de Karl Fabergé, à l'origine franco-danoise. La première salle est une introduction à la tradition de l'oeuf de Pâque dans la culture orthodoxe russe. Elle présente un groupe de pendentifs en forme d'oeuf et des icônes.

«Cette salle permet de mesurer la richesse technique de Fabergé avec tous les décors et les matériaux possibles», dit Sylvain Cordier, conservateur des arts décoratifs anciens au MBA. «Les icônes montrent aussi que Fabergé ne travaillait pas seul, ajoute Diane Charbonneau, conservatrice des arts décoratifs au MBAM. Il a eu jusqu'à 500 employés dans son atelier et d'autres joailliers et orfèvres travaillaient pour le cabinet impérial.»

Dans la deuxième salle, les murs sont ornés des profils de Catherine la Grande, Ivan le Terrible et Pierre le Grand. Les objets permettent de cerner le style ornemental néorusse, hybridant la tradition à l'élégance moderne, un style que le joaillier a toutefois peu développé.

On peut en voir quelques exemplaires avec la collection Pratt, notamment le récipient à boire Kovsh aux Braves Chevaliers, «un monument de sculpture qui évoque le mythe fondateur de la Russie», dit Sylvain Cordier

Les «fauxbergés»

Ensuite, une salle explore le processus de fabrication des objets Fabergé et la présentation de «fauxbergés», ces pièces contrefaites qui font aussi partie de la renommée de la marque. «Fabergé est connu pour ses oeufs, mais a fabriqué des milliers d'objets de fantaisie avec des pierres précieuses venant de toute la Russie», dit Diane Charbonneau.

«Pour Fabergé, ce n'était pas la préciosité de l'objet qui faisait son prix, sa valeur et son mérite d'être collectionné, mais sa capacité technique à proposer une palette de couleurs, notamment d'émaux, la plus large possible», ajoute Sylvain Cordier.

L'exposition s'achève avec l'histoire des derniers Romanov et la place qu'occupaient les oeuvres de Fabergé dans le quotidien de la famille impériale. Une partie historique qui comprend notamment des photos prêtées par l'Université McGill illustrant la situation de la Russie à l'époque de la Première Guerre mondiale, entre 1914 et 1918.

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Fabuleux Fabergé, joaillier des tsars, du 14 juin au 5 octobre au Musée des beaux-arts de Montréal.