Le gestionnaire du fabuleux héritage de Tintin, le Britannique Nick Rodwell, défend le bilan des cinq premières années du Musée Hergé, dont il souhaite désormais «ouvrir les murs», en particulier vers la France où «le petit reporter» reste extrêmement populaire.

En 2009, l'année des 80 ans de Tintin, un certain scepticisme avait accueilli l'ouverture en Belgique du plus grand musée consacré à un seul auteur du 9e art, fût-il le maître incontesté de la BD franco-belge.

Cinq ans plus tard, le vaste vaisseau conçu par l'architecte français Christian de Portzamparc reçoit 80 000 visiteurs par an, «des écoliers, des étrangers venus du monde entier, des tintinophiles et tintinologues», selon Nick Rodwell.

Il reconnaît que l'objectif de 200 000 visiteurs par an fixé par le premier directeur était trop ambitieux. «Cela aurait été possible si nous avions été à Bruxelles. Mais nous sommes à Louvain-la-Neuve à plus de 20 km de la capitale», souligne-t-il dans un entretien à l'AFP.

De ce fait, le musée Hergé est souvent écarté des circuits touristiques en raison des difficultés d'accès par la route ou le rail.

«Nous assumons nos choix et, de toutes façons, il est impossible de déménager», affirme Nick Rodwell, qui s'exprime aussi au nom de son épouse Fanny, la deuxième femme de Hergé, qu'il a épousée en 1993 dix ans après le décès du «père de Tintin».

Depuis lors, les Rodwell se sont fixé comme devoir de «promouvoir et protéger» à tout prix l'oeuvre de Hergé qu'ils placent «entre la BD et l'art contemporain». Quitte à être critiqués pour un «élitisme» qui éloigne Tintin de sa base populaire des «lecteurs de 7 à 77 ans».

Pas de nouvel album

Nick Rodwell se félicite que le film réalisé par Steven Spielberg en 2011 ait redonné un nouvel élan et «représenté la meilleure promotion possible» pour Tintin même si son succès a été inférieur aux espérances hors de l'Europe.

Réalisé en 3D, Le secret de la Licorne a «rapporté 374 millions $ de recettes alors que ses producteurs en attendaient 600 millions. Ce n'est donc pas une réussite aux yeux d'Hollywood», selon lui.

Néanmoins, un deuxième film est toujours prévu avec le Néo-Zélandais Peter Jackson derrière la caméra. «Comme il est très occupé à finir la trilogie du Hobbit, il ne devrait pas être prêt avant 2017», précise Nick Rodwell.

En revanche, le couple Rodwell exclut que Tintin puisse revivre en album dans un proche avenir sous le crayon d'autres auteurs qu'Hergé, comme Astérix ou Lucky Luke. «Beaucoup voudraient le faire (...) mais je trouve qu'il faut respecter l'oeuvre et Hergé ne l'aurait pas souhaité», a récemment expliqué Fanny Rodwell dans un entretien à Paris-Match Belgique.

Des projets éditoriaux sont cependant à l'étude avec l'éditeur Casterman, comme la publication d'une version colorisée de Tintin au pays des Soviets qui pourrait être disponible «sous forme d'e-book», selon Nick Rodwell.

Dans les prochaines années, sa priorité sera de «sortir le musée de ses murs» en faisant voyager ses collections extrêmement riches à l'étranger, en particulier en France, «notre principal marché». «Nous avons d'excellents contacts avec la Cité internationale de la BD d'Angoulême et le château de Cheverny», haut lieu des tintinophiles pour avoir inspiré Hergé pour la création du château de Moulinsart, explique-t-il. «Deux musées parisiens veulent également organiser des expositions Tintin l'an prochain», souligne Nick Rodwell, en précisant que le musée possède 85% des oeuvres d'Hergé.

En attendant, l'attention se tournera samedi sur la salle des ventes d'Artcurial à Paris, où des dessins originaux de Hergé pourraient battre un nouveau record après la mythique couverture de Tintin en Amérique adjugée 1,3 million d'euros en 2012.

Pour Nick Rodwell, il «n'est pas étonnant» que des oeuvres d'Hergé rivalisent avec celles des artistes contemporains les plus cotés comme le Britannique Damien Hirst.