Pour son quatrième solo à la Parisian Laundry, présenté jusqu'au 14 juin, le Britanno-Colombien Rick Leong propose une vingtaine de nouvelles toiles où l'on retrouve la luxuriance et la magie de ses paysages ainsi que ce langage hybride si singulier où se mêlent art canadien et tradition chinoise.

Parcourir les oeuvres de Rick Leong, c'est comme feuilleter les pages d'une fable fantastique. On erre à travers des forêts d'arbres et de lianes, ce couvert végétal touffu et humide qui servait de décor aux contes de notre jeunesse.

Ex-étudiant de Concordia installé à Victoria dans un environnement à la fois urbain et sauvage, Rick Leong réussit, depuis quelques années, à créer avec sa peinture une ambiance féerique qui donne l'impression que ses plantes enchevêtrées sont dotées d'un esprit. Les courants de pensée de l'empire du Milieu qui ont tant inspiré Disney ne sont pas loin...

Si la transgression des conventions esthétiques est mesurée chez Rick Leong, à cause de la génétique de son expression, ses récentes propositions polychromes ont conservé une belle puissance d'évocation. Il explique que son expression actuelle, toujours réalisée de mémoire, reflète une intériorisation plus marquée, comme la rêverie d'un somnambule et sa délicate connexion avec la nature. D'où le titre de l'exposition: Sleepwalking Daydreams.

Dans Sleepwalking Daydreamer, magnifique toile de grande taille, la puissance de la recherche dans la composition ressort, avec ses nombreuses teintes de vert et ce fond du ciel en dégradés de rose et d'orange. Un univers habité, à la fois fantastique, sauvage, reposant et même humoristique puisque, ici et là, l'artiste insère dans ses herbes et ses feuillages quelques yeux mystérieux.

Avec ses évasions quelque peu chimériques, tous yeux ouverts, Rick Leong donne à ses inspirations sylvestres des allures animales, comme son Hippy Beardee à la touche préhistorique, son Cannibals aux allures fantomatiques ou Night of the Living Dead, un fantôme végétal découlant de sa toile Living Dead - un tronc d'arbre animiste qui tire la langue - acquise par Stephen Bronfman pour sa collection Claridge.

Dans d'autres toiles, on retrouve l'onirisme qui a fait sa réputation chez les collectionneurs canadiens, comme l'huile Blooming Gloom ou l'aquarelle Creep et surtout Spill, où l'on subodore dans ses bois tortueux l'influence - plus dans les tons que dans le style - des paysagistes du Groupe des sept, de Tom Thomson, d'Emily Carr, des influences canalisées par sa technique de dessin traditionnelle chinoise.

J'ai bien aimé aussi Dark Wood Light Sky et Shadows Grow Where Darkness Creeps, deux peintures forestières dans les tons de gris et de noirs bleutés dont la densité végétale rappelle les réseaux d'Ed Pien. Certaines oeuvres semblent toutefois moins habitées, comme Ultraviolet ou son oiseau dessiné sur fond noir intitulé Black Bird Singing.

Si la singularité est une valeur primordiale en art contemporain, elle définit autant l'écart par rapport aux autres et au passé que l'évolution des travaux de l'artiste. Le peintre âgé de 40 ans explique que le fait qu'il enseigne désormais à Victoria a influencé son travail, le propulsant sur de nouveaux chemins artistiques. Il demeure que l'on reste un peu sur sa faim au sortir de cette expo, sans compter que les petits formats, nombreux, n'ont pas l'impact des grands.

La magie des productions antérieures n'opère plus avec la même intensité, comme si la singularité de Rick Leong s'était un peu amortie...

À la Parisian Laundry (3550, rue Saint-Antoine Ouest), jusqu'au 14 juin.