Le musée Pointe-à-Callière recrée le parcours du célèbre marchand vénitien Marco Polo, qui s'est rendu jusqu'en Chine au XIIIe siècle après avoir traversé la Turquie, l'Afghanistan et l'Inde. Entre autres. Un long périple qui aura duré 24 ans!

Nous sommes en 1271. Marco Polo n'a que 17 ans lorsqu'il quitte Venise pour la première fois avec son père et son oncle en direction de l'Orient. Il repartira seul et ne reviendra que 24 ans plus tard, à l'âge de 41 ans, après avoir vécu plus de 17 ans en Chine, où il jouissait de la protection de l'empereur mongol Kubilaï Khan.

«Grâce au voyage de Marco Polo, l'Occident a découvert les richesses de l'Orient, explique la directrice générale de Pointe-à-Callière, Francine Lelièvre, qui a eu l'idée de cette expo. La soie, la porcelaine, le charbon... C'était aussi la première fois qu'on recueillait des informations géographiques, ethnographiques et culturelles sur l'Orient.»

L'expo débute par la ville marchande de Venise, où est né Marco Polo. «Venise tire sa puissance du pillage de Byzance, note l'historien et linguiste français Jean-Paul Desroches, commissaire de l'expo. Nous avons reproduit son parcours en privilégiant des zones clés comme le Moyen-Orient, la Mongolie et la Chine, où il s'est attardé.»

Plus de 200 objets et artefacts provenant de musées européens et de collections privées seront ainsi exposés. On y verra un brûle-parfum de la basilique Saint-Marc de Venise, des bronzes, des céramiques, des cristaux de roche, d'or et de jade et, bien sûr, de nombreux tissus de soie, dont certains proviennent du Musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon. Tous datent du Moyen Âge.

Entre prisonniers...

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Marco Polo n'a rien consigné durant ce long périple. «Les marchands n'écrivaient pas et ne dévoilaient jamais leurs consignes», précise Jean-Paul Desroches, également spécialiste de la Chine et de la Mongolie. C'est à son retour à Venise, par un heureux hasard, que seront rédigés ses mémoires.

«Après son retour à Venise, Marco Polo a été fait prisonnier pendant deux ans au terme d'une bataille entre Génois et Vénitiens, rappelle Jean-Paul Desroches. Il commandait une galère... Son compagnon de cellule, Rusticien de Pise, était un écrivain, qui était en fait le secrétaire francophone du roi d'Angleterre, Édouard Ier.»

Ce sont donc les confidences de Marco Polo, dans sa cellule, qui ont donné naissance au célèbre Livre des merveilles, dont on peut voir des illustrations dans l'expo. Le marchand italien y fait le récit de tout ce qu'il a vécu pendant ce long voyage. «Ça a été le best-seller de l'époque! raconte M. Desroches. Il a été traduit en 30 langues presque immédiatement.»

Est-ce que Rusticien de Pise a romancé les mémoires de Marco Polo? «Je pense qu'il savait écrire, répond M. Desroches. Rusticien a dû l'aider en lui demandant de raconter autre chose que son activité commerciale. Ce qu'on sait, en tout cas, c'est que Marco Polo était l'éminence grise de la cour chinoise. On le chargeait de missions. Il ne devait d'ailleurs pas être aimé des Chinois... C'était plus un espion international.»

Le centre du monde

Chose certaine, Le livre des merveilles remet en question les grands axes du monde privilégiés par les religions.

«On est dans un monde théologique, explique M. Desroches. La vision du monde est fondée sur la Bible. Il y a trois continents dans le monde (l'Asie, l'Europe et l'Afrique), séparés artificiellement par deux fleuves et une mer... À la croisée de ce monde, au centre, se trouve Jérusalem. C'est le pivot du monde. C'est ce qu'on pense en Occident.

«En Asie, dans le monde bouddhiste, le monde tourne autour du mont Meru, poursuit-il. L'islam, de même, autour de La Mecque. Avec le récit de Marco Polo, on passe à un monde étiré, développé le long des routes caravanières, qui vont devenir des routes maritimes. Car Le livre des merveilles a jeté les bases d'une cartographie qui a permis à Christophe Colomb de mettre le cap vers l'ouest.»

Christophe Colomb a en effet acheté le livre de Marco Polo avant de solliciter la reine Isabelle de Castille, en Espagne, pour qu'il prenne la route des Indes. «Il l'a même annoté, explique Jean-Paul Desroches. On peut le voir à Séville. Il a noté deux choses: tout ce qui concerne les directions, comment on se rend de tel à tel lieu et les trésors qu'il a découverts. Surtout, ce qui était transportable: la soie et les pierres précieuses.»

Outre les objets, artefacts et autres documents illustrés, on pourra également voir des extraits du film Sur les traces de Marco Polo, sorti en 2008. Un film réalisé par les Américains Denis Belliveau et Francis O'Donnell, qui ont refait pendant deux ans le trajet de Marco Polo en s'inspirant du Livre des merveilles. Avec les moyens de l'époque: à pied, à cheval et par voie maritime.

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Au musée Pointe-à-Callière du 6 mai au 26 octobre.