Déambuler dans la ville souterraine en admirant des oeuvres d'artistes choisis par Art souterrain est un vrai bonheur pour l'amateur d'art. La Presse a slalomé sur les sept kilomètres du parcours de l'événement, mardi dernier, en compagnie de son fondateur.

Organiser un événement d'art contemporain annuel dans les couloirs et zones commerciales de 15 édifices montréalais est tout un défi pour le commissaire, directeur et fondateur d'Art souterrain, Frédéric Loury. Il s'agit d'exposer 123 oeuvres de 93 artistes au regard des passants, sans nuire aux activités quotidiennes des lieux et sans risque pour la sécurité des créations, tout en obtenant un appui minimal des gestionnaires immobiliers concernés.

Ce n'est pas toujours facile. La Presse a constaté encore cette année que les indications fléchées d'Art souterrain disparaissent prématurément de certains édifices. D'autres ne les autorisent pas, ce qui complique le parcours, notamment à la Place Bonaventure, où le plan du circuit d'Art souterrain est plus qu'indispensable si l'on veut éviter de se perdre.

Pour être certain de voir toutes les oeuvres, il est préférable de se rendre dans les édifices entre 8h et 17h et de se procurer un plan (www.artsouterrain.com).

Nous avons commencé notre parcours avec l'humoristique, profond et ingénieux Trou de mémoire que l'artiste Marilou André a installé au Centre Eaton. Il s'agit d'une installation clin d'oeil sur les nids-de-poule montréalais. On peut même se faire prendre en photo... à l'intérieur! En même temps, l'oeuvre est une critique de ces sortes d'hirondelles de chaussée qui reviennent chaque printemps comme un signe de notre coûteuse et piètre gestion des travaux publics.

Tout près de ce trou évocateur, on trouve L'exode, une oeuvre forte d'Imad Mansour, artiste irakien exilé qui raconte, avec 30 pi en plâtre, les horreurs des dictatures qui forcent au déracinement, mais pas à l'oubli des injustices.

Les espaces de la Place Ville-Marie ont été renommés cette année «Territoires autochtones». On peut y admirer les oeuvres de six artistes amérindiens, notamment une oeuvre aérienne d'Hannah Claus, membre de la communauté tyendinaga-mohawk de la baie de Quinte, en Ontario.

Une culture en fumée

Un peu plus loin, on trouve un de nos coups de coeur, soit les 13 oeuvres de la série Les objets crépusculaires d'André Dubois, que Frédéric Loury a fait installer dans des vitrines éclairées du couloir qui relie la Place Ville-Marie à la gare Centrale. Des oeuvres magnifiques réclamant une belle dextérité dans les découpages et un sens de la perspective.

Placé dans l'édifice Westcliff-Place de la Cité internationale, le tipi créé à partir de cigarettes géantes (Signaux de fumée) est une oeuvre de Mike Patten qui évoque la vente de tabac dans les réserves amérindiennes et la culture autochtone qui part en fumée.

Différente, l'oeuvre sonore Synchronicité souterraine est constituée de haut-parleurs placés sous le Centre de commerce mondial. Elle émane d'une réflexion du collectif Audiotopie, né de la rencontre d'architectes paysagistes et de musiciens.

Si l'on doit citer une autre pièce de choix, ce sera l'ingénieuse Perpendiculaire de l'horizon, une installation de Mathieu Cardin placée dans le couloir central du Centre de commerce mondial. Elle a été créée de façon à nous permettre d'admirer d'un côté un «faux» tableau inséré dans un décor bourgeois, tandis que de l'autre, on réalise que ce cadre est constitué d'objets judicieusement agencés derrière le mur sur lequel il a été accroché. Une oeuvre brillante sur l'envers du décor. Bonne visite!

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Art souterrain, jusqu'au 16 mars. www.artsouterrain.com