Lauréate du prix Joseph-Plaskett l'an dernier, Julie Trudel expose jusqu'au 9 mars les fruits de sa dernière phase de recherche en peinture abstraite à la fois au centre L'Imagier, à Gatineau, et à la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal. Deux aspects d'une même réflexion sur les mouvements et la viscosité dans des tons de noir et de blanc.

Julie Trudel est une sorte de scientifique de la peinture. Elle aime s'interroger, expérimenter, s'imposer des contraintes, trouver des effets, se tromper et recommencer jusqu'à découvrir quelque chose qui la surprend. Le rendu de la peinture et les différentes façons d'y parvenir sont au coeur de sa démarche.

L'occasion d'un séjour à Ottawa nous a permis de faire une virée au centre d'exposition L'Imagier, un lieu d'art dans une maison en bois, à Gatineau, où elle a accroché une dizaine d'oeuvres de Noir de fumée et blanc de titane que nous n'avions pu voir en décembre chez son galeriste Hugues Charbonneau, au Belgo, à Montréal.

Les trois séries de peintures de cette expo ont été réalisées sur de minces supports de bois qu'elle manipule jusqu'à donner aux pigments de plus ou moins grande fluidité la forme et l'apparence voulues.

Ses toiles Empiètements sont ainsi un mélange de peintures versées comme si l'artiste avait utilisé le tour d'un potier. Ses Chevauchements créés sur un cercle de bois sont intéressants, mais les oeuvres les plus fascinantes sont ses cinq tableaux intitulés Croisements, des associations sinueuses de teintes de noir qui font penser à la courbe de niveau d'une carte géophysique ou à la coupe transversale d'une roche sédimentaire dont les lits auraient été doucement et diversement plissés.

Cette lecture n'est pas étonnante, puisque le mécanisme physique qu'elle pratique sur sa peinture est comparable à une orogénèse à l'échelle microscopique. Toutefois, son art cinétique se réfère plus à la peinture optique des artistes du GRAV (Groupe de recherche d'art visuel), notamment celle de François Morellet, avec ce caractère visuel qui s'approche de la photographie.

On comprend mieux pourquoi cette titulaire d'une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l'UQAM a su fasciner le jury vancouvérois du prix Joseph-Plaskett, l'an dernier. Sa démarche a l'émerveillement et la curiosité de l'inventeur.

Dans la salle, l'oeuvre Test 164 donne une idée de l'évolution de sa recherche et du résultat qu'on peut en voir à la Maison de la culture NDG. Test 164 est une toile réalisée selon le même principe, mais là, nous n'avons plus devant nous un objet en 2D, mais l'illusion d'un 3D. La façon dont elle s'y est prise pour bouger ses gouttes de peinture donne un effet d'optique : ses bâtonnets gris et blanc ressemblent à une boule d'aiguilles de couturière, un dos de porc-épic ou des spermatozoïdes en folie !

À NDG, avec Noir d'ivoire et blanc de titane, on retrouve cette orchestration d'acrylique plus ou moins visqueuse qui a migré au gré des mouvements imprimés par l'artiste. La série est formée de cinq toiles Bifurcation et d'une peinture Expansion, avec cette même impression de spermatozoïdes stylisés pointés dans leur propre direction ou d'effet d'aimantation, ce qui n'est pas si éloigné de la biologique attirance pour l'ovule.

Mais dans le travail de Julie Trudel, c'est moins l'apparence brute des tableaux que la technique pour parvenir à ce résultat qui intrigue. Il y a un caractère abouti dans le rendu, une récompense qui occulte les 300 tests de combinaisons qu'elle a dû faire avant d'être satisfaite par ce qui émerge de sa manipulation et par la signification de son expérience.

À la Maison de la culture de NDG, 3755, rue Botrel, à Montréal, jusqu'au 9 mars.