Michel Huneault est arrivé quelques heures après le drame de Lac-Mégantic survenu le 6 juillet dernier, à 1h14. Le pétrole des wagons de la société Montreal, Maine & Atlantic flambait toujours. Il a pris des photos et depuis est revenu à maintes reprises documenter le désastre humain et écologique. La Maison du développement durable expose 60 de ses photographies de la contamination de la rivière Chaudière, jusqu'au 5 février. Un regard sur le côté sombre de l'or noir.

L'exposition Contamination + Addiction est une réflexion sur notre dépendance aux hydrocarbures et ses conséquences sur la santé humaine. Car elles ont beau avoir des qualités artistiques, les 60 photos de Michel Huneault parlent toutes de cette substance huileuse qui accompagne notre quotidien tout en le détruisant ici et là.

«Ce que vous voyez sur les photos, c'est le pétrole qui a brûlé et assassiné des gens», commente Michel Huneault, 37 ans, devant ses clichés. Des zooms sur les nappes de carburant dérivant sur les flots de la rivière quelques jours après la tragédie ou restées accrochées aux berges quelques semaines ou quelques mois plus tard. Le pétrole s'est insinué partout, sur les plantes, sur les roches, tel un bouillon graisseux éradiquant la nature, atrophiant les cellules des algues, des herbes et du bois. Comme un voile de mort sur la vie.

Michel Huneault présente ses photos en trois panneaux de 20 photos, séparés de façon chromatique. Dans le premier aux tons de blanc, dominent les images de la rivière lors des travaux de décontamination. On y voit un gant perdu, de gros carrés de papier ayant servi à éponger le pétrole et des boyaux qui essayaient de le contenir. Le panneau aux couleurs orangées contient les photos les plus anciennes, au tout début, quand l'essence était encore très concentrée localement dans l'eau et sur les berges. Enfin, le panneau aux dominantes de bleu présente des photos plus récentes, notamment le froid venu.

Cette cartographie des dégâts méticuleusement dressée par le photographe depuis cinq mois avec son Leica numérique, il la considère comme un travail à la fois journalistique, artistique et humaniste.

«J'étais arrivé à 10h du soir, par réflexe artistique et professionnel, ça brûlait encore un peu; je suis resté cinq jours, puis je suis revenu, dit-il. J'en suis à ma dixième visite. J'ai passé le jour de l'An là-bas, avec les gens.»

À la fois documentariste et artiste contemporain, Michel Huneault a l'impression de faire oeuvre utile. Comme lorsqu'il travaillait pour des organismes humanitaires et de développement international (Oxfam, Jeunesse Canada Monde, ACDI), il y a quelques années.

«Ce que j'ai fait avec la photographie s'inscrit dans la même démarche intellectuelle de ce que je faisais avant, dit-il. On est allé voir la rivière dans les premiers jours et on a pris conscience de la catastrophe environnementale. J'étais dans l'eau, avec mes bottes. Il y avait un côté très zen. Chaque fois que je suis revenu à Lac-Mégantic, je suis allé voir la rivière. D'autant que la nuit, je voyais les gens et c'était très émouvant.»

Cette exposition est donc le portrait de la pollution à Lac-Mégantic. «Il manque juste l'odeur, dit-il, car ça sentait très fort l'essence sur les berges, surtout dans les premiers jours.»

Coïncidence, les panneaux de photos ont été placés près de la façade vitrée de la Maison du développement durable. Derrière eux, on aperçoit le mur du Théâtre du Nouveau Monde et son inscription «Le monde est un vaste théâtre et nous en sommes tous les acteurs». On ne peut pas mieux dire, dans les circonstances.

Le travail de Huneault se poursuit. Il a déjà publié ses photos dans Québec Science en octobre et dans le magazine Vice, en novembre. On peut voir quelques-unes des photos de Contamination + Addiction ainsi que des portraits de citoyens de Lac-Mégantic sur son site michelhuneault.com.