Raphaëlle de Groot a créé une performance fort remarquée à la Biennale de Venise, le 30 mai dernier. Elle a déambulé dans la cité des Doges, à pied et en gondole, le regard obstrué par des matériaux placés autour de sa tête. Un film, Raphaëlle de Groot en performance à Venise, témoigne de sa prestation.

La Biennale de Venise 2013 restera un moment marquant de la carrière de Raphaëlle de Groot, en partie grâce à l'idée de Louise Déry, commissaire et directrice de la Galerie de l'UQAM. Elle l'avait vue se suspendre dans les airs dans sa galerie et savait donc que l'artiste montréalaise était capable de produire à Venise un acte artistique d'éclat. Sa performance a donné naissance à un film, en grande partie des images de Frédéric Lavoie, qui permet de découvrir tout le déroulement de sa création.

Au début du film Raphaëlle de Groot en performance à Venise, on aperçoit la lauréate du prix Sobey 2012, sur un banc du parc des Giardini, lieu de la biennale, en train de confectionner son masque, cette bulle qui va l'isoler visuellement pendant son expérience artistique. Elle s'entoure la tête de papier et le fixe avec des rubans. Le public médusé la regarde. Puis elle se coiffe d'une main énorme et, à tâtons, puise dans ses sacs posés à ses pieds divers objets dont elle s'entoure la tête, devenant une sorte de monstre à la David Altmejd.

Les gens regardent, photographient, filment, rigolent, s'interrogent ou se désintéressent de cette curieuse personne qui s'attache sur les avant-bras des pieds en plastique, fixe une longue traîne à son corps, puis commence une marche, pieds nus, à l'aveuglette, sur les graviers des Giardini.



Comme un zombie

Avec sa lourde coiffure, elle se heurte à un buisson, à un kiosque ou à une journaliste qui veut l'interviewer. Mais elle ne parle pas. Elle avance comme un zombie, guidée parfois par la voix de membres de son équipe légèrement en retrait. Des personnes la touchent puis un homme la conduit jusqu'à une gondole dans laquelle elle restera en équilibre, debout, pendant une longue pérégrination sur des canaux agités. Un équilibre affaibli, malgré la dextérité du gondolier, par la pluie, le vent et les vagues qui faisaient tanguer la gondole et ont failli faire trébucher cette sculpture immobile en mouvance sur les eaux troubles.

La performance de Raphaëlle de Groot restera un geste esthétique fort, en phase avec le lieu mythique de Venise. Comme la ville, le personnage qu'elle a incarné s'est fragilisé pendant son errance.

«Dans ce travail, le monde nous met à l'épreuve constamment, dit Raphaëlle de Groot. On se fabrique en se défabriquant, m'avait dit ma mère.»

Cette performance de 2 heures 40 avait en effet une grande part d'inconnu. L'idée de se perdre et de s'abandonner s'est réalisée. «Je ne voulais pas être dans un état de maîtrise, dit-elle. Ni un acrobate de cirque ni un acteur sur la scène. Je voulais être dans un état de perte de repères. C'était stressant, mais ça faisait partie de ce que je recherchais. Pour moi, c'était un plaisir de travailler cette forme étrange que je devenais. Et le fait de ne pas voir me donnait une liberté d'action.»

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En primeur et en présence de l'artiste à la galerie de l'UQAM ce soir de 18h à 19h30.

Photo: fournie par la Galerie de l'UQAM