Le photographe Yves Medam présente avec Les paradigmes artificiels ses dernières images fragmentées à la galerie Dominique Bouffard, jusqu'au 8 décembre. Sa troisième exposition solo est centrée sur des décors de Venise magnifiés par une technique qui confère aux images une touche d'irréel.

Yves Medam travaille, depuis une vingtaine d'années, comme photographe pigiste pour des publications telles que Commerce, La Presse et The Gazette, ainsi que pour des agences de graphisme. De la photographie commerciale, ce diplômé en arts visuels de l'Université de Montréal a progressivement ajouté la photographie artistique à ses activités.

Il y a quelques années, influencé par ses études cinématographiques, sa mineure en arts plastiques et sa nature d'explorateur, il a mis au point une nouvelle démarche qui consiste à interpréter un lieu donné en juxtaposant des images différentes prises à cet endroit. Un montage, dit-il, conforme à ses origines méditerranéennes diverses qui ont façonné son identité plurielle.

Pour créer ses clichés, il choisit un lieu et, pendant un moment, il en capte tous les recoins, sur 360º. Les bâtiments, les personnes, le ciel, l'eau... Plus tard, sur ordinateur, il composera numériquement une image finale en assemblant des éléments de plusieurs dizaines de clichés. De l'instantané, il est donc passé à la construction d'une oeuvre plus complexe qu'il rattache à la toile du peintre ou à la partition du compositeur.

Impression de fragilité

Il est vrai que ses images recomposées rappellent plus la peinture qu'une photographie standard. On voit distinctement les liens entre les photos qu'il a utilisées, mais ce n'est pas dérangeant. L'association des clichés crée une ambiance particulière. La fragmentation donne à l'image - notamment pour les clichés 7 et 8 des Paradigmes artificiels - une impression de déséquilibre, de ville en danger, de fragilité, d'instabilité, voire d'apesanteur, des qualificatifs qui s'adaptent bien à Venise.

Cette façon de structurer une image en déstructurant ajoute même parfois une sensation de répétition architecturale, ce qui colle bien à la Cité des Doges et à son style classique. Mais aussi à son cliché de La Havane. Deux villes, deux îles intemporelles. Comme si le temps s'y était arrêté.

Question de lumière

Ses photos sont prises tôt le matin ou le soir pour obtenir la plus belle lumière. «J'aime décrire des univers qui sont entre deux états, dit-il. Entre la nuit et le jour. Entre le mouvement et la fixité, entre le vrai ou le faux, le réel et l'irréel ou entre l'équilibre et le déséquilibre. Au début, on fait les choses parce qu'on a besoin de les faire et on finit par voir des liens. J'aime travailler sur le thème du temps. J'essaie de reproduire un monde qui n'est pas palpable.»

Va-t-il poursuivre sa recherche sur cette piste de la fragmentation encore longtemps? 

«Quand je sentirai que je me répète et que c'est devenu trop facile, je pense que je m'arrêterai, dit-il. Mais j'ai encore envie d'essayer des trucs différents. J'ai travaillé sur des lieux clos, comme les métros, et je pense que cela pourrait être intéressant de développer ces non-espaces et de montrer comment les gens vivent ensemble.»

La collection de Loto‑Québec possède une des photographies fragmentées d'Yves Medam, L'indécis, une image de clichés pris près de la bibliothèque François-Mitterrand, à Paris. La déconstruction de l'édifice donne le vertige. Cette oeuvre fait partie de l'exposition itinérante que Loto-Québec présentera à Sherbrooke du 15 janvier au 22 février prochains, au Musée d'art contemporain des Laurentides, à Saint-Jérôme, du 30 mars au 8 juin 2014, à Rouyn-Noranda du 26 septembre au 23 novembre 2014, et à Saguenay, du 7 décembre 2014 au 8 février 2015.

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Les paradigmes artificiels, d'Yves Medam, à la galerie Dominique Bouffard jusqu'au 8 décembre.