Du sucre qui rosit quand on lui sourit ou un vélo pour mesurer son degré de satisfaction: Stefan Sagmeister, graphiste autrichien connu pour ses pochettes d'albums des Rolling Stones ou de Lou Reed, met en scène sa quête personnelle du bonheur à travers une étonnante exposition à Paris.

Baptisée The Happy Show et présentée à la Gaîté Lyrique jusqu'au 9 mars pour la première fois en Europe, «cette exposition-exploration tombe à pic en période de morosité, dans un pays, la France, considéré comme l'un des plus plaintifs au monde», se réjouit Jérôme Delormas, directeur de l'établissement dédié à la culture pop art et numérique.

Installée sur près de 1000 m2, cette exposition tous publics s'apparente à un parcours expérimental interactif et ludique, ponctué d'expériences physiques, émotionnelles et sensorielles.

Installations, vidéos, photos et textes tirés de son journal intime et retranscrits par l'artiste au feutre noir sur les murs incitent le visiteur à découvrir en direct ce qui le rend heureux et pourquoi.

L'entrée commence par un choix: porte «Good» (bon) ou «Bad» (mauvais). Suit l'impression d'un billet individuel avec une consigne: «regarder en bas», «porter un autre visiteur sur son dos», «enlever une de ses chaussures»...

Des vidéos, conçues comme des happenings poétiques dans lequel l'artiste se filme habillé, nu, joyeux, triste, en famille ou seul, défilent sur les murs au son du groupe canadien Siskiyou. Le corps poussé à ses extrêmes limites y occupe une place importante et le graphisme est une écriture à part entière.



«Muscles»


Une série de tubes remplis de boules de gommes jaunes et numérotés de un à dix incite le visiteur à évaluer son état de bonheur; un vélo sur lequel il pédale permet d'entraîner sa capacité au bonheur comme ses muscles et de mesurer son degré de satisfaction; une construction en morceaux de sucre blancs devient rose ou grise selon qu'on lui sourit ou pas.

«Je suis curieux de la façon dont le public français accueillera cela car pour les Parisiens comme pour les Viennois, le bonheur a quelque chose de suspect. Ils passent leur vie à en parler mais ne font pas ce dont ils parlent», explique à l'AFP Stefan Sagmeister, 51 ans. Né à Bregenz en Autriche, il vit depuis près de 25 ans à New York où il s'est établi comme graphiste de renom.

Un schéma rappelle que le bonheur dépend à 50% de nos gènes, à 10% de nos conditions de vie et à 40% de nos décisions. «Pour moi, dit l'artiste, il y a trois sortes de bonheur: à court terme (l'extase, l'orgasme, la joie, la béatitude), à moyen terme (la satisfaction, le bien-être) et à long terme (la compréhension des raisons pour lesquelles on est en vie et la réalisation de son potentiel)».

Passionné d'anthropologie et de statistiques, l'artiste développe sa quête avec humour et sérieux scientifique par une série de graphiques noirs sur fond jaune parlant d'amour, de relations amoureuses et sexuelles.

Il crée des oeuvres d'art à partir d'études sur l'argent qui «ne fait pas le bonheur», ou de son expérience des drogues «amusantes au début, lourdes à la fin», propose une méditation sur l'oeuf au plat, et une autre, tout aussi intime, liée au souvenir de son père défunt.

Une toile d'araignée géante projetée sur grand écran se met en mouvement en fonction des déplacements du visiteur et de ses réactions: «si je ne demande pas, je n'obtiendrai pas», «ne pas être sincère me fait toujours du tort»...