Le metteur en scène américain Bob Wilson est le «grand invité» du musée du Louvre, où il a installé son lit au milieu d'objets de son hétéroclite collection personnelle tandis que des vidéos montrent Lady Gaga en député assassiné dans sa baignoire lors de la Révolution française.

À 72 ans, le «maître» a accumulé une oeuvre protéiforme, que le Louvre explore à partir de cette semaine sous le titre Living Rooms avec une sélection d'objets qui constituent la matière première de son inspiration: art contemporain mais aussi objets trouvés dans la rue ou pièces d'arts premiers.

«Je voulais présenter quelque chose de personnel: j'ai montré ma chambre», résume Bob Wilson, également fêté à Paris par le festival d'Automne avec trois spectacles.

Le vaste lit trône au centre d'une immense pièce - la salle de la Chapelle - où les objets sont accrochés jusqu'au plafond. Statuettes, masques, photos, dessins témoignent d'une collection débutée dans l'enfance.

Depuis ses 12 ans, «Bob» accumule les objets les plus divers, à commencer par les chaises, dont plusieurs sont exposées. Cet artiste aux multiples talents - théâtre, opéra, arts plastiques, vidéo -, a acheté son premier tableau encore enfant, «pour 75 cents», se souvient-il.

Le visiteur passe devant une paire de chaussons ayant appartenu à Noureev, un unique chausson de Balanchine, un gant d'enfant trouvé sur la 7e avenue à New York, une paire d'escarpins de Marlène Dietrich et un lapin blanc.

Un cabinet de curiosité surréaliste, source d'inspiration pour l'enchanteur qui a révolutionné le spectacle, avec ses gestes chorégraphiés au millimètre, des décors, lumières et effets visuels saisissants.

Une photo d'Albert Einstein, l'air candide, en manches courtes et bretelles, a inspiré l'opéra Einstein on the Beach (1976) qui sera recréé en janvier au Théâtre du Châtelet à Paris.

Les objets proviennent pour la plupart du centre de Watermill, à Long Island, où il invite l'été de jeunes artistes. Bob Wilson a voulu livrer l'ensemble sans explication: ni cartel ni panneau. Une feuille détaillant une douzaine d'objets sera distribuée au public pendant la durée de l'exposition (jusqu'au 17 février).

«Tous ces objets ont influencé mon travail, j'ai voulu partager avec le public français quelque chose qui n'a jamais été montré», a-t-il précisé mercredi lors de l'inauguration.



«Gaga portraits»


Le lit, au-dessus duquel sont alignées de minutieuses statuettes eskimo, fait face à une installation vidéo où Lady Gaga tournoie, suspendue ligotée à une corde, tête en bas.

D'autres vidéos, créées spécialement pour le Louvre, sont exposées deux étages plus bas dans la salle de la Maquette: les Gaga portraits, tournés il y a une dizaine de jours à Londres en studio.

La reine de la pop américaine y incarne des personnages de peintures célèbres, tels ce Portrait de Mademoiselle Caroline Rivière peint par Ingres en 1806, exposé dans le musée. Une série de 14 écrans propose de troublantes variations autour de La tête de Saint Jean-Baptiste, sanglante sur son plateau, peinte par Solario en 1507.

Mais la vidéo la plus saisissante est sans doute le portrait du député Jean-Paul Marat assassiné dans sa baignoire sous la Révolution française, dont l'original est à Bruxelles. Accroché au coeur du département des peintures, à dix mètres de la Joconde, l'écran restitue la puissance théâtrale du tableau réalisé par Jacques Louis David en 1793.

Ce n'est pas la première fois que Bob Wilson recompose ainsi des images célèbres avec l'aide de personnalités: Isabelle Huppert, Jeanne Moreau, Willem Dafoe se sont prêtés au jeu.

«Bob Wilson, qui est surtout connu en France pour ses spectacles, est un des précurseurs de l'art vidéo», estime Stéphane Malfettes, qui coordonne les performances.

Plusieurs événements autour de l'exposition ont par ailleurs été prévus. Christopher Knowles, rencontré par Bob Wilson alors qu'il était un jeune adolescent autiste en 1973, et coauteur de l'opéra Einstein on the Beach, réalisera notamment une performance The Sundance Kid is Beautiful les 16 et 17 novembre.