La Fondation Guido Molinari présente jusqu'au 16 janvier Molinari en deux temps, une exposition d'oeuvres qui éclaire l'évolution créative du peintre québécois Guido Molinari depuis ses oeuvres sur papier plutôt méconnues de 1953-1957 jusqu'aux célèbres bandes verticales colorées de 1964 à 1968.

Quand on observe les toiles géométriques de Molinari, on a tendance à oublier qu'il n'avait qu'une trentaine d'années quand il a réalisé ces bijoux de l'abstraction. «Il était précoce, mature et apportait la fraîcheur de la jeunesse», souligne Gilles Daigneault, directeur général de la Fondation. Subséquente à la présentation, en 2011, de ses tableaux peints dans le noir, l'exposition Molinari en deux temps permet de comparer les oeuvres de la maturité à celles de la jeune vingtaine.

La grande salle du rez-de-chaussée accueille le visiteur avec neuf toiles de bandes verticales colorées, notamment Sériel vert-bleu et Mutation ocre-jaune, qui datent de l'époque où Guido Molinari a exposé à la Biennale de Venise, ce qui représentait pour lui la plus grande consécration de sa jeune vie d'artiste. À 35 ans, il gagnait le prix David A. Bright dans la cité des Doges, un prix donné au meilleur peintre de la Biennale. Sa période de frénésie des couleurs était reconnue par le monde de l'art. Quelle émotion d'être aujourd'hui devant ses grandes oeuvres qui ont fait sa marque.

La genèse

En montant les escaliers qui mènent aux oeuvres sur papier, on découvre un autre monde, en fait, la genèse du précédent. D'abord avec Sans titre 1956, oeuvre minimale à l'encre dans lequel le geste plasticien déjà sûr instaure un bel équilibre dans l'espace. Une oeuvre qui devait faire partie de l'exposition de 1956 que René Lévesque était venu voir. Le journaliste de Radio-Canada avait avoué à Molinari qu'il n'y «comprenait rien». Pourtant, c'est cette série de tableaux noir et blanc choquant une partie des amateurs d'art qui le conduisit vers les sommets.

Tout près de Sans titre 1956, on découvre une oeuvre d'émail sur toile (Sans titre 1955), des projections de rouge, de noir et d'ocre qui révèlent l'influence de Pollock et le passage de Molinari à New York. Mais c'est au deuxième étage de la fondation que l'exposition prend tout son sens. À gauche en entrant, son Sans titre 1954, portrait délicat et sauvage, exhale la fougue de la jeunesse jusque dans la signature de Guido Molinari, cahotante et farouche.

Autre influence évidente que celle des gouaches de Paul-Émile Borduas dans deux oeuvres contiguës où il a appliqué quelques touches d'encres rouge, bleue et verte. Mais surgit un émoi délicieux quand on aperçoit quelques-uns de ses tout premiers dessins, 53/62 et 53/33, réalisés en 1953, des formes surréalistes qui traversent le canevas en diagonale tout comme les idées de Breton avaient sillonné le milieu artistique provincial.

À côté, on a rassemblé dans un même cadre quatre peintures de 12,6 cm x 17,7 cm, toutes de 1955. On peut ainsi y déchiffrer l'évolution de son style vers les polychromies verticales. La première, 55/70, ne comprend que quelques taches de couleur bleue. Dans la deuxième, le rouge est ajouté au bleu et le geste prend un sens. Les verticales apparaissent dans la troisième et se définissent totalement dans la quatrième petite peinture. On a là, sous nos yeux, le cheminement de l'écriture picturale de Molinari même si l'on subodore, un peu plus loin, ses doutes et ses questionnements avec des essais encrés à la plume 57/1 et 57/3, signés et datés «19 août» 1957. Comme quoi la dynamique n'est pas toujours linéaire.

Les portraits

Autre intérêt de l'exposition, les portraits de Molinari, six oeuvres de 1954 à 1966 rassemblées. On y retrouve son goût, voire son humour, à définir le contour et les détails d'un visage à partir d'un trait qui court, saute et divague sur la feuille. Soudain, d'un paysage quelconque se détachent un nez, deux yeux et une oreille. D'une abstraction émerge le figuratif. Éloquence qui suscite l'admiration.

La Fondation possède quelque 800 oeuvres sur papier de Guido Molinari! Molinari en deux temps en propose 37, mais nous aurons bien sûr l'occasion d'en revoir.

«En exécutant les volontés de Moli, notre soin premier sera toujours de présenter l'excellence, une excellence à la mesure de nos moyens, dit Maurice Forget, président et secrétaire de la Fondation. On lancera prochainement un programme de publications, en commençant par un catalogue raisonné, soit un volume pour les estampes de Molinari. Et ce sera le même canevas pour les tableaux et les dessins. Il y aura un tome biographique et des volumes avec des écrits sur Moli, mais aussi des écrits de Moli. Cela commencera l'année prochaine et ça s'étendra vraisemblablement sur cinq ans.»

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À la Fondation Molinari, 3290, rue Sainte-Catherine Est.