Dans un grand hôtel de Nairobi, Boniface Maina, jeune artiste kényan, déambule parmi peintures et sculptures exposées avant leur mise aux enchères mardi lors de la première vente d'art moderne et contemporain est-africain, espérant qu'une de ses oeuvres y figurera bientôt.

«C'est un grand pas vers une meilleure connaissance de l'art d'Afrique de l'Est», explique-t-il, dreadlocks sortant d'un bonnet de laine.

Quarante-sept lots - d'artistes majoritairement kényans, mais aussi éthiopiens, tanzaniens, ougandais et soudanais, ainsi que d'un Sud-Africain installé à Nairobi - de ces quarante dernières années, seront mis aux enchères mardi à la Villa Rosa Kempinski, un nouvel hôtel de Nairobi.

«C'est un pas positif pour le marché de l'art est-africain. Cela ouvre le milieu de l'art aux gens», estime l'artiste soudanais Eltayeb Dawel Beit, dont une oeuvre est mise en vente mardi et qui vient de terminer une installation pour la réception des nouveaux bureaux de la société d'expertise comptable Pricewaterhouse Coopers à Nairobi.

Ces dernières années, le monde de l'art s'est enthousiasmé pour les marchés émergents du Moyen-Orient, d'Asie, d'Amérique latine, et les collectionneurs semblent également se tourner de plus en plus vers l'Afrique.

Jusqu'ici, leur attention s'était surtout portée sur l'Afrique de l'Ouest et méridionale, mais peu à peu, les artistes d'Afrique orientale commencent à susciter l'intérêt.

Et cette vente - qui compte parmi ses commanditaires une maison de Champagne et une marque de voitures de luxe - tend à montrer que la région rattrape peu à peu son retard vis-à-vis de ces deux autres régions d'Afrique, dont les artistes sont plus reconnus internationalement.

De quelques centaines à 30 000 dollars

En début d'année, les oeuvres de huit artistes kényans accomplis - précédemment uniquement visibles à Nairobi - ont été vendues à Londres par la maison d'enchères Bonhams. Un progrès, même si ces oeuvres sont restées proposées dans une vente caritative et la veille de la grande vente d'art africain contemporain Africa Now.

La vente de mardi à Nairobi est organisée par l'Agence Circle Art, basée dans la capitale kényane et qui dit oeuvrer à promouvoir l'art contemporain africain. Avec cette vente, «nous voulons que les gens embarquent avec nous à la découverte de l'art» est-africain, explique Danda Jaroljmek, directrice de Circle Art.

Les estimations varient de quelques centaines à 30 000 $, loin des ventes de Londres, Paris ou New-York, mais des montants qui restent inaccessibles à l'immense majorité de la population, dans une région où l'élite financière et la classe moyenne, en pleine expansion, sont encore en nombre limité.

L'idée est aussi d'amener doucement ces classes privilégiées à considérer qu'au-delà de l'esthétique, l'art est aussi un investissement.

«Il faut acheter ce qu'on aime, mais aussi être conscient que l'art est un produit de valeur et qu'il exprime l'héritage culturel du pays dans lequel il a été fabriqué», souligne Danda Jaroljmek.

Nairobi, place centrale

«C'est très excitant, et du point de vue d'un investisseur et de quelqu'un qui apprécie l'art, je pense que (les prix) ne peuvent que monter», explique de son côté à l'AFP Aly-Khan Satchu, patron de Rich Management, société de conseil en investissements.

Peu de gens à l'étranger connaissent actuellement l'art est-africain et «c'est le moment où il apparaît», estime-t-il.

Environ la moitié des 47 lots proposés à la vente viennent directement des artistes, le reste de collectionneurs.

Selon le peintre Peterson Kamwathi, jeune trentenaire et étoile montante de l'art kényan, dont quelques oeuvres ont été acquises par le British Museum, le développement des fondations, espaces et agences artistiques ont favorisé la place centrale de Nairobi sur la scène de l'art est-africain.

Parmi les artistes kényans dont une oeuvre est en vente mardi, Michael Soi est l'un des plus connus à Nairobi, surtout parmi la communauté expatriée qui affectionne ses tableaux dépeignant avec humour, dans un style naïf au trait épais, des sujets tels que l'influence croissante de la Chine en Afrique, la prostitution ou les dossiers des dirigeants kényans devant la Cour pénale internationale (CPI).

Quant à l'artiste, il déplore que les Kényans n'achètent pas son travail et que même ses amis préfèrent dépenser leur argent dans une nouvelle voiture que dans une oeuvre d'art.