«Mes tableaux racontent des histoires simples, comme mes chansons dans le temps...» Tex Lecor fête ses 80 ans de belle façon. Avec un livre bilingue portant sur son travail de peintre - Paul Tex Lecor - Mon monde pour vous/My World for You -, publié aux Éditions du Sommet, et par une exposition au Balcon d'art de Saint-Lambert où le lancement-vernissage a eu lieu hier.

Des histoires simples, oui, avec des personnages qui le sont tout autant, captés au crayon sur des esquisses, toujours, puis adaptés, si l'on peut dire, aux souvenirs de jeunesse de ce fils d'immigrant breton, né à Saint-Michel-de-Wentworth en 1933. C'était tranquille, pas de doute, mais «le gars à Lecorre» a gardé vif le souvenir des «conteux d'histoires», lumberjacks et coqs de village, qui peuplaient ce hameau des Basses-Laurentides et son chef-lieu, Lachute. Et voici le tableau Le temps des menteries, où trois bûcherons s'en content des belles sur l'heure du dîner pendant que le cheval blond attend patiemment son avoine à côté de la corde de bois.

«Chaque fois que j'arrive quelque part, je demande à rencontrer les anciens», nous disait Tex, la semaine dernière au Café Cherrier, un endroit qu'il a beaucoup fréquenté dans le temps qu'il tenait une école de peinture à deux pas de là, au coin de Berri. «Je crevais de faim... Je donnais un dessin à George, le patron du temps, et je déjeunais gratis toute la semaine...»

Le jeune homme était entré aux Beaux-arts à 16 ans, y avait rencontré entre autres le sculpteur Armand Vaillancourt. C'était l'époque du manifeste Refus global des automatistes réunis autour de Paul-Émile Borduas. Comme peintre, Tex Lecor s'alignait plus avec Léo Ayotte, Clarence Gagnon et autres peintres de la campagne. Ou de la mer: Tex aime les quais, les goélettes et les pêcheurs de la Gaspésie et de la Nouvelle-Écosse.

Même s'il a toujours peint, Tex Lecor ne s'est consacré à son art qu'après avoir quitté le showbiz qui en avait fait l'un des artistes les plus populaires du Québec des années 60 et 70 où il s'est d'abord fait connaître comme chansonnier. Les baby-boomers se souviendront de la chanson Le frigidaire, écrite par Georges Langford - «Tant qu'il rest'ra quéq'chose dans l'frigidaire/J'prendrai l'métro, j'fermerai ma gueule p'is j'laisserai faire». Cet hymne populaire a dominé le palmarès en 1971 avant d'être traduit en une dizaine de langues et enregistré en allemand par Tex lui-même; 40 ans plus tard, Ein Kühles Bier Und Ein Zitroneneis (Une bière fraîche et une glace au citron) est toujours chantée dans les festivals bavarois. Tex reprendra par ailleurs son monologue Noël au camp sur le CD de duos (de Noël) de Paul Daraîche, à paraître sous peu.

À la télé, Tex Lecor a animé sa propre émission, Sous mon toit, diffusée en direct par Télé-Métropole (TVA) au milieu des années 70 et, à la radio, il a longtemps travaillé à l'émission Le Festival de l'humour de la superstation CKAC 73, avec Roger Joubert, Pierre Labelle, Michel Forget et Louis-Paul Allard; Tex était le spécialiste des gags téléphoniques, ces «insolences» qu'avait popularisées Yvan Ducharme à CJMS.

Regrette-t-il cette gloire passée? «Pantoute! La peinture me satisfait pleinement. Mes tableaux ont été exposés dans toutes les grandes galeries du Canada. Je travaille tous les jours et je vends toute ma production: un tableau par semaine. Ça, le frère, c'est de l'ouvrage!»

- Vos nus sont d'un style tout à fait différent de vos personnages traditionnels. Pourquoi?

- Moins caricaturaux, oui, par respect pour les femmes...

- Que cherchez-vous dans la peinture?

- Je cherche à représenter des gens et une époque que j'aime. Quand tu fais les choses que t'aimes, tu vieillis pas...

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Exposition Paul Tex Lecor - Mon monde pour vous, au Balcon d'art de Saint-Lambert, jusqu'au 30 octobre.