Le Musée d'art contemporain de Montréal (MACM) présente dès jeudi Beat Nation: art, hip-hop et culture autochtone, une exposition étonnante sur l'art autochtone actuel. Quelque 28 artistes du Canada et des États-Unis exposeront des oeuvres illustrant combien l'art contemporain a frappé de plein fouet une jeune génération d'Amérindiens qui s'expriment en puisant tant dans leurs racines que dans la modernité.

Pour Mark Lanctôt, conservateur au Musée d'art contemporain de Montréal, les nombreuses expositions d'art autochtone qui foisonnent au Canada cette année vont au-delà de la mode.

«On espère que c'est une espèce de rattrapage, pour une redécouverte, dit-il. Il y a un changement de génération chez les autochtones avec de nouvelles approches. C'est un tout autre ton par rapport à l'art autochtone que l'on voyait avant.»

D'abord présentée sur l'internet, l'exposition est une initiative de la galerie Grunt de Vancouver. On peut d'ailleurs encore la voir sur le site beatnation.org. Avant Montréal, une sélection d'oeuvres d'autochtones canadiens et américains a été présentée à la Vancouver Art Gallery puis à Kamloops, Ottawa et Toronto et le sera ensuite à Halifax et Regina.

Multidisciplinaire, Beat Nation est une fenêtre sur les liens entre hip-hop, art et culture autochtone. «On l'a vu avec l'exposition Sakahán à Ottawa, le hip-hop est une porte d'entrée sur un univers culturel qui a un autre rapport à la tradition, dit Mark Lanctôt. Dans la culture autochtone, il y a plus de continuité et de sens d'appropriation, moins de rupture que dans la culture occidentale.»

Influences

Beat Nation est une exposition où l'on percevra l'influence des cultures occidentales sur l'art autochtone.

«C'est une influence mutuelle, dit Mark Lanctôt. Si on n'a pas vu d'art autochtone depuis 20 ans et qu'on débarque à l'expo, on va être un peu surpris! Il y a des installations sonores, des oeuvres vidéo, de la photo. Par rapport au médium, il y a une certaine contemporanéité. Et l'exposition est ponctuée de musique dans toutes les salles.»

Parmi les 28 artistes sélectionnés, Mark Lanctôt suggère le travail du compositeur navajo Raven Chacon. L'Amérindien de l'Arizona vient présenter still life no2, une oeuvre musicale contemporaine que les visiteurs découvriront au moyen d'écouteurs.

Également, le travail photographique de Dana Claxton, une Autochtone hunkpapa lakota sioux qui a déjà fait l'objet d'une exposition au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) et qui jouit d'une belle réputation au Canada et sur la scène internationale.

«On pourra voir la totalité de The Mustang Suite, une oeuvre de Dana Claxton prêtée par le MBAC», précise Tania Willard, artiste autochtone et co-commissaire de l'exposition. Il s'agit d'une série de photos de membres d'une famille lakota avec comme fil conducteur la couleur rouge, sacrée chez les Lakota.

On avait vu, au printemps dernier, sa splendide robe de papier clore l'exposition Porter son identité - La collection Premiers Peuples au Musée McCord. L'artiste anishinaabe Maria Hupfield sera également présente au MACM avec une nouvelle oeuvre, précise Tania Willard.

Artistes du street art, l'Haida Corey Bulpitt et l'Ojibway Larissa Healey (Gurl23) feront une démonstration des liens qui unissent graffiti et art autochtone.

«Les murales de Corey Bulpitt sont stupéfiantes, dit Tania Willard. J'ai été envoûtée par ses oeuvres créées dans les rues de Vancouver. Son travail représente vraiment cette transition entre l'art que les autochtones ont, bec et ongles, cherché à maintenir en vie et ces nouvelles formes d'art qui se sont adaptées aux nouveaux médiums tels que le graffiti.»

Basé maintenant à Montréal, Sonny Assu, de la nation we wai kai (Colombie-Britannique), présentera aussi une installation. Tout comme Duane Linklater, le vidéaste cri de l'Ontario qui vient de remporter cette semaine le prix Sobey de cette année et qui aura deux oeuvres au musée.

«Il y a des gens qui seront là comme madeskimo, dont on va entendre parler encore dans les années à venir, à la fois sur la scène des arts visuels et sur la scène musicale, ajoute Mark Lanctôt. C'est un artiste vraiment intéressant.»

Nicholas Galanin, l'artiste Tlingit/Aleut établi en Alaska, présentait des sculptures magnifiques au Musée des beaux-arts du Canada, l'été dernier, lors de l'exposition Sakahán. Il sera à Montréal avec une double production vidéo dans laquelle des danseurs s'expriment en combinant musique traditionnelle autochtone et danse contemporaine ou musique contemporaine et danse autochtone.

«La projection de Nicholas Galanin qui s'appelle Tsu Heidei Shugaxtutaan Part 1 and Part 2 évoque les thèmes de cette exposition, dit Tania Willard. Le passé et le présent, nos ancêtres, la vie moderne et les rencontres fécondes qui surgissent de tout ça.»

«Nicholas vient de gagner une bourse importante aux États-Unis, ajoute Mark Lanctôt. Il présente une vidéo vraiment sublime. C'est un peu la richesse de cette exposition, soit de présenter des pratiques tous azimuts et vraiment intéressantes.»

Beat Nation: art, hip-hop et culture autochtone, du 17 octobre au 5 janvier au MACM.

PHOTO FOURNIE PAR LE MACM