Mécène et collectionneur d'art, Paul Desmarais a marqué la scène artistique québécoise d'uneempreinte discrète mais ferme pour les arts visuels. Parmi les gestes philanthropiques qu'il a faits figure évidemment son engagement dans la réalisation du pavillon Jean-Noël Desmarais du Musée des beaux-arts de Montréal, au début des années 90.

À l'automne 1986, Paul Desmarais, Pierre Elliott Trudeau, Bernard Lamarre et d'autres amis ont traversé la Russie à bord du Transsibérien. Le voyage a été l'occasion de sceller le destin du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).

Pendant huit jours, raconte Georges-Hébert Germain dans son livre Un musée dans la ville, Bernard Lamarre, homme d'affaires et philanthrope, n'a cessé d'aborder le projet d'agrandissement du musée en essayant, lors e chaque repas, de convaincre Paul Desmarais d'y participer financièrement.

«Les francophones n'avaient pas beaucoup contribué au financement du musée jusque-là, a récemment expliqué M. Lamarre à La Presse. Je lui avais dit qu'il serait temps qu'un francophone signe un ouvrage important. J'insistais tous les jours pour qu'il fasse une contribution. À un moment donné, il m'a dit: O.K., mais arrête de m'achaler! Je vais te le donner, ton 10 millions!»

M. Desmarais a accepté la présidence d'honneur de la campagne de financement tout en réclamant que l'édifice porte le nom de son père, Jean-Noël Desmarais. Construit au coût de 95 millions (dont 27 millions ont été réunis par la collecte organisée par M. Desmarais), le pavillon Jean-Noël Desmarais a été inauguré le 21 novembre 1991.

Les maîtres classiques canadiens

Bernard Lamarre et Paul Desmarais n'avaient toutefois pas les mêmes goûts en peinture quand ils sont devenus amis. «M. Desmarais aime beaucoup la peinture classique alors que moi, j'aime beaucoup l'art contemporain», dit M. Lamarre.

Paul Desmarais aimait en effet les maîtres classiques canadiens. En 1989, il a montré pour la première fois les oeuvres qui décorent les murs des bureaux de Power Corporation. C'était l'exposition Les maîtres canadiens de la collection Power Corporation du Canada, 1850-1950, présentée au Musée du Séminaire de Québec, au Musée du SaguenayLac- Saint-Jean et au Musée des beaux-arts de Montréal.

Avec des oeuvres de Cornelius Krieghoff, Wyatt Eaton, Louis- Philippe Hébert, James Wilson Morrice, Emily Carr, Marc- Aurèle Fortin, Stanley Cosgrove, Alfred Pellan, Jean-Philippe Dallaire ou Jean Paul Riopelle, Paul Desmarais voulait illustrer l'évolution de l'art canadien durant une période importante

de son histoire.

«Si plusieurs grandes entreprises à travers le monde collectionnent des oeuvres d'art, peu d'entre elles se concentrent presque exclusivement sur leur art national, a-t-il écrit dans le catalogue de l'exposition. Ce qui est pour nous une satisfaction est aussi un devoir. C'est ainsi que nous nous efforçons d'encourager la production et le marché artistiques de notre pays.»

Au cours de sa vie, les goûts picturaux de Paul Desmarais ont évolué. «À un moment donné, il a décidé de construire une grande collection de tableaux de Riopelle, dit Bernard Lamarre. Et il a encouragé d'autres artistes d'art contemporain, notamment Borduas.»

«Il était passionné par l'époque du Premier Empire et par le néoclassicisme, ajoute Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du MBAM. Dans son bureau de Power Corporation, il y a certains objets néoclassiques de la fin du XVIIIe siècle qu'il nous a parfois prêtés, comme une merveilleuse pendule de Pierre-Philippe Thomire. Il nous a aussi prêté une oeuvre majeure d'Hubert Robert, la peinture Les monuments de Paris, et Portrait de Napoléon Bonaparte en premier consul», tableau réputé d'Andrea Appiani datant de 1800 et acheté lors d'une vente chez Christie's, à New York, en 2004.