Après la légèreté du verre soufflé de Dale Chihuly, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) présentera du 12 octobre au 19 janvier Splendore a Venezia (Splendeur à Venise), une exposition ambitieuse et unique qui aborde les liens qui ont uni les arts visuels et la musique dans la Sérénissime aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.

Après les expositions Warhol Live en 2008, We Want Miles. Miles Davis: le jazz face à sa légende en 2010 et Lyonel Feininger: de Manhattan au Bauhaus en 2012, le MBAM programme à l'automne une autre exposition dans laquelle la musique est présente à part entière. Avec Splendore a Venezia, c'est aussi la première fois qu'un musée explore l'interaction entre l'art et la musique à Venise sur trois siècles, du Titien à Canaletto et depuis le compositeur flamand Adrian Willaert (qui fonda l'École de Venise) jusqu'à Antonio Vivaldi.

L'exposition a été créée par le commissaire Hilliard T. Goldfarb, conservateur des maîtres anciens au musée, en partenariat avec le Portland Art Museum où elle sera présentée au printemps 2014. Elle a été constituée grâce au prêt de 120 peintures, estampes, dessins, vêtements, partitions et instruments de musique anciens provenant de 60 musées et collections d'Europe et d'Amérique.

Parmi les peintres dont on pourra admirer les oeuvres, citons Le Titien, Le Tintoret, Canaletto, Jacopo Bassano, Giambattista Tiepolo et Giandomenico Tiepolo, Francesco Guardi, Evaristo Baschenis, Pietro Longhi, Giambattista Piazzetta, Sebastiano Ricci ou encore Bernardo Strozzi.

«Convaincre des prêteurs comme la National Gallery de Londres, le Musée du Louvre ou le Kunsthistorisches Museum de Vienne pour un tel projet pluridisciplinaire n'est pas facile, car son originalité peut décontenancer le prêteur étant donné que c'est la première fois qu'on explore les liens entre l'art et la musique pendant la grande époque de Venise», dit Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du musée, lors d'une entrevue avec La Presse.

Présenter des peintures et de la musique de la même époque est à la mode dans le monde muséal. Le Palais des beaux-arts de Bruxelles proposait l'hiver dernier une exposition consacrée à Antoine Watteau avec la musique en appui aux oeuvres, et la National Gallery présente jusqu'au 8 septembre Vermeer&Music, avec cinq tableaux de Johannes Vermeer accompagnés de morceaux de compositeurs du XVIIe siècle. Mais si à Londres la musique est écoutée avec un casque, à Montréal, elle sera "spatialisée", c'est-à-dire diffusée dans chaque salle de l'exposition.

François Filiatrault, consultant en musiques anciennes, a choisi des oeuvres de compositeurs tels que Gabrieli, Monteverdi, Albinoni, Lotti ou Vivaldi. Ces morceaux évoqueront, dans les sections de l'exposition, l'ambiance des salons vénitiens et des concerts de musique de chambre, le célèbre Carnaval de Venise, le théâtre, les spectacles de rue ou encore la commedia dell'arte.

«La musique fait partie du contenu et n'est pas accessoire, insiste Nathalie Bondil. À l'époque, les peintres connaissaient le plus souvent la musique et en jouaient. Tous les artistes avaient un piano chez eux. Et c'est à Venise que sont apparues les premières vedettes cantatrices, les premières divas.»

L'exposition sera scindée en trois grandes parties. D'abord, les cérémonies publiques de Venise avec les processions du doge, les expos-ventes de peintures en plein air, la musique dans les confréries vénitiennes et dans les ospedali (les hôpitaux) où de jeunes orphelines chantaient des oratorios. Puis, une section sur les peintures de musiciens et les concerts privés. Et enfin, une dernière partie sur l'invention du théâtre d'opéra à Venise au XVIIe siècle.

Pendant toute la durée de l'exposition, une vingtaine de concerts couvrant cinq siècles de musique vénitienne seront donnés dans la salle Bourgie par la Fondation Arte Musica avec la présence de plusieurs ensembles de Venise et d'Europe se produisant pour la première fois au Canada. L'exposition sera d'ailleurs accompagnée d'un disque, Splendore a Venezia. Musique à Venise: de la Renaissance au baroque, compilant 15 pièces de grands compositeurs vénitiens.

Mais au-delà de la musique omniprésente, l'exposition sera dédiée à l'histoire culturelle, politique, économique et religieuse de Venise, cette grande Cité des doges devenue république indépendante pendant quelque 800 ans, à une époque où son gouvernement était un grand protecteur des arts.

Avec les 120 oeuvres présentées, Splendore a Venezia évoquera la puissance maritime de Venise à cette époque, l'influence qu'a eue l'Empire byzantin sur son architecture et bien sûr ce développement artistique inégalé qui lui a conféré une gloire et un prestige éternels.