Le Musée régional de Rimouski présente jusqu'au 15 septembre Riopelle à Saint-Fabien-sur-Mer: 1944-1945, les années charnières, une exposition sur les paysages peints par Jean-Paul Riopelle à Saint-Fabien lorsqu'il rejoignait son amie Françoise Lespérance dans le petit village du Bas-Saint-Laurent où elle passait des vacances estivales avec sa famille.

L'idée de l'exposition émane d'Andréanne Roy, commissaire indépendante qui était, l'an dernier, conservatrice de l'art contemporain au musée rimouskois.

«Avant d'aller à Rimouski, je travaillais à la galerie Simon Blais et une des dernières expositions sur lesquelles j'ai travaillé, c'était Débuts - L'oeuvre en devenir de nos figures historiques, qui traitait des oeuvres de jeunesse des grandes figures de la modernité au Québec, dit-elle. Dans le cadre de ce travail, j'ai été en contact avec certaines oeuvres du corpus de Saint-Fabien-sur-Mer de Riopelle, et c'est là que l'idée m'est venue. C'est un des projets que j'avais amenés à Rimouski dans ma valise! Je le trouvais pertinent pour les gens de la région, mais aussi à cause de l'histoire de l'oeuvre de Riopelle.»

L'intérêt de l'exposition repose sur le fait que cette période de production de Riopelle, alors qu'il n'a que 20 et 21 ans, n'a pratiquement jamais été traitée de façon approfondie.

«On connaît ces oeuvres, on en parle parfois, mais elles ne sont jamais montrées et jamais analysées, dit Andréanne Roy. Donc, j'avais envie de pousser un peu plus loin cette investigation. Le propos est donc de montrer le passage, chez Riopelle, entre la figuration et l'abstraction. Les années 1944 et 1945 sont en effet des années charnières dans son évolution. Il délaisse alors le style académique appris auprès de son professeur Henri Bisson et est de plus en plus influencé, depuis son entrée à l'École du meuble, en 1943, par Paul-Émile Borduas.»

La plupart des huit oeuvres sur toile de l'exposition proviennent de collections privées. Une d'entre elles, totalement abstraite, appartient au musée de Rimouski. Il y a aussi des photos prises par Riopelle à Saint-Fabien. L'exposition comprend quelques repères historiques et des documents d'archives.

«L'oeuvre du diable»

Andréanne Roy a collaboré avec la première femme de Riopelle, Françoise, le frère de Françoise Riopelle, Jean Lespérance (ami de Riopelle à l'époque) et Yseult Riopelle, fille aînée du peintre, pour créer cette exposition et retrouver des oeuvres de 1944-1945.

«De cette époque, il y a encore des tableaux qui ne sont pas retracés, dit Yseult Riopelle en entrevue. Notamment un que l'on recherche activement. Jean-Paul est photographié en train de le peindre sur la grève. On espère en publiant la photo qu'on pourra le retrouver. Mais il a pu être détruit. Des gens ont détruit plusieurs de ses tableaux à l'époque, notamment mes grands-parents [les parents de Riopelle], pour lesquels ce qu'il faisait en abstraction, c'était l'oeuvre du diable. C'est pour ça que de 1945, on n'a presque plus rien, seulement trois ou quatre tableaux. C'est tout ce qui reste.»

Un catalogue comprenant les documents d'archives photographiques, les reproductions des oeuvres et un texte de la commissaire Andréanne Roy sortira d'ici la fin de l'été pour conserver une trace de cette exposition.