Signataire de Refus global à l'âge de 21 ans, Françoise Riopelle, qui s'était mariée deux ans plus tôt avec Jean Paul Riopelle, ne croyait pas en Dieu et avait alors un caractère très rebelle. À 14 ans, elle avait déjà obtenu de son père, le Dr Lespérance, l'autorisation de ne plus aller à la messe. Françoise Riopelle voulait être libre, en actions et en pensée.

Avec Thérèse Renaud (femme de Fernand Leduc), elle était la plus jeune des signataires. «Du coup, dans les réunions de notre groupe, je ne disais pas grand-chose, dit Mme Riopelle, rencontrée dans son appartement montréalais. J'étais là et j'appuyais Riopelle. Borduas était encore comme un père de famille et, dans ma tête, c'était gênant un peu.»

Quand le manifeste a été publié, Françoise Riopelle devait s'occuper de sa première fille, Yseult, née le 1er janvier. «Du coup, à ce moment-là, j'assistais moins aux réunions du groupe, dit-elle. On se réunissait rue Amherst. Mon père venait voir ce qui se passait. Il nous surveillait. Il voulait savoir ce que c'était, ce groupe-là, s'il y avait des dangers pour sa petite fille.»

Progressiste (contrairement aux parents de Riopelle), le Dr Lespérance a respecté l'engagement de sa fille dans Refus global et il a encouragé Riopelle en achetant ses premiers tableaux.

«Il le voyait déjà comme un grand artiste, dit Françoise Riopelle. Riopelle lui avait montré une copie de Refus global avant la parution. Il était au courant et il ne m'a jamais fait de reproches et ne m'a jamais dit que ça allait me nuire plus tard. On savait, par contre, ce que les gens pensaient de nous. On nous traitait de voleurs, de paresseux, de tous les noms! Les garçons avaient les cheveux longs!»

Françoise Riopelle explique qu'à l'époque, les jeunes révoltés sentaient qu'ils étaient les précurseurs d'un mouvement plus large, autant au Québec qu'ailleurs. «Le fait de se révolter contre quelque chose d'aussi puissant que le clergé, il fallait qu'on se sente forts, dit-elle. Mais comme je suis ensuite restée 12 ans en France, je n'ai pas été consciente des changements qui ont suivi.»

Aujourd'hui, puisque Mme Riopelle a du mal à marcher, elle sort moins de chez elle pour aller découvrir l'actualité artistique. «Je la suis de loin. Mais j'ai eu une vie très active. J'ai fait travailler les autres», dit-elle avec son beau sourire.