À 97 ans, Fernand Leduc ne pense qu'à une chose: quand pourra-t-il peindre de nouveau? La peinture est une des dernières raisons de vivre de Fernand Leduc depuis que Thérèse Renaud, sa compagne de vie et d'esprit, s'en est allée vers d'autres lumières, il y a sept ans.

La Presse a rencontré le peintre dans son appartement-atelier de l'avenue du Mont-Royal, à deux enjambées du parc Jeanne-Mance. Une toile blanche était en attente. Le penseur de Refus global a fait une hémorragie à un oeil il y a un an. Sa vue baisse. Du coup, il n'a pas retouché ses crayons pastel depuis. «Ça va aller mieux», dit-il, confiant.

Le printemps dernier, le Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul a exposé ses tapisseries des années 50 et celles de 1970 de son impressionnante série Les 7 jours, tissée à Aubusson, en France. «C'est très mauvais», dit-il sans rire, avant d'ajouter: «Parce que je ne peux pas y aller!» Fernand Leduc a toujours un beau sens de l'humour et sa peinture continue d'être célébrée dans les grands musées du monde.

Il a fait partie de l'exposition L'art en guerre, France 1938-1947, présentée l'hiver dernier au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, puis depuis le printemps au musée Guggenheim Bilbao, en compagnie d'une centaine d'artistes, dont Riopelle, Barbeau et Borduas.

À l'occasion des 65 ans de Refus global, Fernand Leduc a répondu avec une grande acuité d'esprit à nos questions. Voici, sur différents sujets, les points de vue qu'il a énoncés:

- Paul-Émile Borduas. «C'était mon maître. Je lui dois mon éveil à la créativité. La créativité, c'est la découverte de sa liberté fondamentale, de pouvoir travailler selon la nécessité intérieure.»

- Sa «rupture de pensée» avec Borduas. «Je lui avais écrit une lettre dure. Plus tard, j'ai su que je l'avais blessé. À tel point qu'il a gardé ça toute sa vie. Mon intention n'était pas de le blesser, mais de contrer une pensée.»

- L'art de peindre. «On se retrouve toujours confronté à soi-même. La seule question qu'on peut se poser, c'est: qu'est-ce que la vie? Quelle est cette énergie qui nous a permis de pousser comme une plante qui s'épanouit et meurt? C'est le rythme de notre planète et peut-être du grand cosmos.»

- La scène de l'art contemporain au Québec. «On a un Musée d'art contemporain à Montréal et, comme l'ambiance générale, c'est mou. Certains artistes montent. Il y a de bonnes galeries et d'autres qui sont de petits commerces...»

- L'avenir du Québec: «On n'est pas prêts [pour l'indépendance]. On est de plus en plus envahis par l'anglicisation. C'est comme une vague qui monte tranquillement et nous envahit et que nous acceptons, parce qu'être bilingue, c'est excellent, mais il y a la culture! Il faut faire attention. On tient beaucoup à notre culture. Le gouvernement actuel est axé sur la défense de notre culture. Mais pour l'instant, on est sur la défensive.»