Le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) présente jusqu'au 2 septembre une exposition d'art contemporain autochtone fort intéressante. Les quelque 150 oeuvres ont été réalisées ces dernières années par 80 artistes d'ascendance indigène provenant de 16 pays des cinq continents.

En algonquin, Sakahàn signifie «allumer le feu». Choisi par les commissaires Greg Hill, Christine Lalonde et Candice Hopkins, le titre de l'exposition reflète la richesse et la grande diversité de l'art actuel autochtone, un regard pluriel où se croisent les traditions, l'affirmation, le sens du passé et une grande lucidité.

C'est en tout cas ce qu'on constate en arrivant dans la première salle. On est accueilli par Ma soeur, moi-même, une sculpture luisante en fibre de verre et bois de l'artiste maori Michael Parekowhai. Il s'agit d'un clin d'oeil à la roue de bicyclette que Marcel Duchamp avait insérée dans un tabouret il y a, pile, 100 ans. Parekowhai a sculpté un phoque qui jongle avec une version de la sculpture de Duchamp. Un regard sur la technologie mal maîtrisée qui menace la biodiversité et une illustration de l'ouverture de l'art autochtone aux références d'hier et aux défis d'aujourd'hui.

Le passé bien présent

Les artistes autochtones n'ont pas oublié leur passé et n'ont de cesse de le rappeler. Les commissaires ont choisi de présenter l'oeuvre Boudoir de Berdache, du moskégon Kent Monkman, un tipi transformé en salle de cinéma que le musée a achetée en 2008 et qui vitupère l'arrogance du colon vis-à-vis du «sauvage».

Dans un autre style, un triptyque de l'Australien Danie Mellor, créé avec pastels et crayons, oppose le décor de la forêt sauvage idéalisée dans le style d'une tapisserie orientaliste dans les tons d'un vieux bleu aux indigènes colorés qui l'habitent.

La Bible, vol 15, de l'artiste Nicholas Galanin, d'origine à la fois tlingit et aleut, est aussi représentative de cette critique voilée des tentatives d'assimilation spirituelle des Amérindiens. La sculpture d'un profil d'oiseau dans une bible de 1100 pages est splendide.

Le territoire

Mais l'art autochtone contemporain n'aborde pas que les douleurs du passé. Il exprime aussi une vision propre du territoire, propre dans tous les sens du mot. Ainsi, le RiddoDuottarMuseat de Karasjok, une ville du nord de la Norvège, a prêté une oeuvre en acrylique de l'artiste finlandais et sami Outi Pieski, qui a peint une colline à l'atmosphère romantique, mais aussi magique.

Dans les salles, on retrouve aussi la douceur des dessins de Shuvinai Ashoona, le réalisme spectaculaire de Rebecca Belmore (avec son oeuvre Frange) ou encore les 56 pages de la Loi sur les Indiens recréées avec des perles de verre sur des panneaux de laine par l'Algonquine et Montréalaise Nadia Myre.

Vidéos

Partie relaxante et fascinante de l'exposition, une salle de cinéma présente huit vidéos d'artistes autochtones avec un bel échantillon de thèmes. The Shirt, de Shelley Niro, évoque la frustration des peuples évincés. Avec ses chants de gorge, Binary Selves, d'Erica Lord, explore l'attachement aux racines et le sens de l'amitié. Enfin, Native Time, de Cup'luaq (Jack Dalton), fait sourire et prendre conscience des différences culturelles avec ce chasseur inuit qui ne sait pas comment traverser un carrefour roL'exposition Sakahàn présente des oeuvres d'artistes autochtones de 16 pays, dont la Canadienne Rebecca Belmore, et l'Australien Danie Mellor (en haut) qui a créé le décor de la forêt sauvage dans le style d'une tapisserie orientaliste à Anchorage. Allumer le feu, oui, mais le brûler, non!

Une exposition très intéressante donc. Un peu courte même. On en verrait encore plus! Mais le musée assure que cette exploration au coeur de l'art contemporain autochtone international reviendra tous les cinq ans. Avec de nouvelles oeuvres. Vivement qu'on allume un autre feu!

SAKAHÀN. Art indigène international Jusqu'au 2 septembre au MBAC d'Ottawa www.beaux-arts.ca