L'imprévisible artiste portugaise Joana Vasconcelos, chargée de représenter son pays à la 55e Biennale de Venise a trouvé une idée à sa mesure: transformer une navette fluviale de Lisbonne en oeuvre d'art et la transporter jusqu'à la Cité des Doges.

Aux chantiers navals de Seixal, à une vingtaine de km de la capitale, le bateau en cale sèche expose sa silhouette massive et arrondie: pont blanc et coque marron, bien entamée par la rouille en divers endroits.

Cette navette, qui en 51 ans de bons et loyaux services a transporté plus de 11 millions de passagers entre les deux rives du Tage, va changer en quelque mois de statut et s'intégrer dans le monde toujours surprenant des objets de Joana Vasconcelos.

On pense notamment à la fameuse oeuvre intitulée Marylin, une immense paire d'escarpins rutilants constitués de casseroles ou de couvercles.

Mais cette fois ce sont les bateaux qui naviguent sur le Tage qui ont inspiré l'artiste, née à Paris en 1971.

«Les bateaux font partie de notre histoire, la navigation fait partie de notre passé», souligne Joana Vasconcelos tout en expliquant que les navettes fluviales lisboètes renvoient aux non moins célèbres vaporetti de Venise et que les relations entre les deux villes remontent au 15e siècle.

Une fois la transformation réalisée le bateau sera recouvert d'azulejos (carreaux de faïence)  représentant une vue de Lisbonne au 18e siècle avant le terrible tremblement de terre de 1755 qui rasa une bonne partie de la ville.

À l'intérieur, indique Joana Vasconcelos, il y aura une «installation textile» composée d'objets chers à l'artiste, lustres, et décorations diverses tandis que le plafond et le sol seront recouverts de liège, une autre image de marque du Portugal qui en est le premier producteur mondial et où il est décliné sous toutes ses formes: du bouchon au chapeau en passant par les sacs, les coffrets, les enveloppes, voire même les tabliers de cuisine.

Le pont supérieur du bateau sera transformé en scène ou l'on pourra organiser des spectacles, rencontres, tables rondes, ou conférences. Une petite «boutique» proposera des produits portugais.

«L'idée est de faire de ce bateau une plaque tournante de la culture portugaise afin que les visiteurs puissent emporter un peu de Portugal avec eux», explique l'artiste qui dans le passé a déjà présenté à la Biennale certaines de ses oeuvres.

Transportée par bateau jusqu'à Venise où son arrivée est prévue pour la fin mai, la navette portugaise devrait être amarrée en face des «Giardini» où sont situés les différents pavillons de la Biennale.

«Pavillon flottant», la navette sera aussi un pavillon «mobile» puisque Joana Vasconcelos compte la faire circuler dans la lagune de Venise deux fois par jour avec un maximum de 75 passagers à bord.

Alors que le Portugal, sous assistance financière depuis mai 2011, rogne actuellement sur tous les budgets le projet de Joana Vasconcelos, bien qu'il soit soutenu par le gouvernement, n'a reçu de la part de l'État qu'une maigre allocation de 175 000 euros.

«On a très peu d'argent en ce moment», reconnait Joana Vasconcelos qui actuellement remue ciel et terre à la recherche d'éventuels sponsors et se félicite des réponses encourageantes reçues jusqu'à présent.

«Le budget n'a pas encore été bouclé», remarque-t-elle tout en se refusant à une évaluation du coût du projet. «Nous avons déjà reçu des appuis privés et nous espérons pouvoir en obtenir d'autres», indique l'artiste avant de conclure avec un grand sourire : «Nous sommes persuadés d'arriver à bon port».