Le Musée d'Art Moderne de Stockholm s'est réjoui mercredi du retour du Jardin, un tableau de Matisse volatilisé pendant plus d'un quart de siècle, sans que ne soient percés les mystères entourant son vol et sa réapparition en Grande-Bretagne.

«Ce sont des retrouvailles qui nous font chaud au coeur», a déclaré le directeur du musée, Daniel Birnbaum, cité dans un communiqué. La peinture est dans les murs de l'institution, dans sa caisse de transport qui doit être ouverte jeudi.

L'oeuvre, une huile sur toile évaluée à un million $ (750 000 euros), avait été volée le 11 mai 1987. Les cambrioleurs n'avaient dérobé que ce tableau, et n'avaient laissé aucune trace.

La police «n'avait eu qu'à constater que le tableau avait disparu puis avait lancé un avis de recherche», rappelle à l'AFP Lars Alm, à la tête de la Brigade de lutte contre le trafic de biens.

En Suède, le vol d'oeuvre d'art est prescrit après dix ans. Aucune enquête n'étant en cours, l'identité du malfrat et le parcours du tableau devraient rester inconnus.

Pendant 25 ans, le musée est sans nouvelles de son bien. Puis peu avant Noël, un marchand d'art britannique, Charles Roberts, est contacté par le représentant d'un Polonais désireux de vendre cette huile «pour donner de l'argent à ses petits-enfants», raconte-t-il à l'AFP.

Nul ne sait comment cette toile de 1920 a quitté la Suède. Avec son petit format (34 sur 45 cm), elle a très bien pu être glissée dans une poche. «Elle peut être roulée et là, elle ne prend vraiment pas de place», constate M. Alm, sans affirmer que ce fut le cas.

M. Roberts, qui n'a jamais rencontré le vendeur, affirme que ce dernier «avait acheté le tableau il y a plus de vingt ans en toute bonne foi pour un prix considérable».

Avant une éventuelle transaction, le marchand d'art a lancé une recherche dans une base de données informatique d'oeuvres volées, l'Art Loss Register (ARL). La toile y était.

«On nous a dit que le tableau était alors en Pologne. Nous avons suggéré de faire comme si une vente allait être réalisée afin qu'il arrive au Royaume-Uni», se souvient un représentant de l'ARL, Christopher Marinello, avocat spécialisé dans la récupération d'oeuvres volées.

Une fois en possession du tableau, M. Roberts l'a montré à l'ARL. Il s'agissait bien du Jardin, qui a été conservé dans un coffre puis expédié à Stockholm.

Selon M. Marinello, le marchand d'art, qui refuse de dévoiler tout nom dans cette affaire, est au-dessus de tout soupçon: «Il a agi de manière très responsable».

Le vendeur putatif compterait rester dans l'ombre. «Nous ne savons pas d'où en Pologne il est originaire, ni s'il a 85 ans, ni même s'il existe vraiment», s'amuse l'avocat.

Attendre 25 ans avant de retrouver une oeuvre est normal. «Soit les oeuvres d'art volées réapparaissent très rapidement, soit elles disparaissent pendant de nombreuses années», constate M. Marinello.

Elles «apparaissent rarement lors des ventes aux enchères, car les objets répertoriés sont visibles par un large public à la fois sur catalogue et en ligne et les voleurs évitent souvent l'espace public», explique une spécialiste de la maison de ventes aux enchères Bukowski à Stockholm, Anna-Karin Pusic.

«Nous devons examiner la peinture méthodiquement avant de pouvoir nous prononcer sur son état», indique la porte-parole du musée, Kristin Ek.

La toile, de style impressionniste, représente un jardin avec des roses blanches au premier plan et des bosquets et des arbres en arrière-plan.

Le trafic d'oeuvres d'art est un marché juteux dont le chiffre d'affaires oscille entre 6 et 7 milliards $ par an. Mardi, la justice roumaine a arrêté trois Roumains soupçonnés d'être impliqués dans un vol de tableaux de maîtres aux Pays-Bas.