Trois mois après s'être invité dans des galeries et institutions montréalaises, l'événement d'art contemporain Brooklyn-Montréal a pris ses quartiers dans huit galeries brooklynoises. Changement de décor et de culture.

On prend les mêmes et on recommence: la série de vernissages organisés du 10 au 13 janvier à Brooklyn avait assurément un air de déjà-vu pour la quarantaine d'artistes dont les oeuvres sont présentées dans le cadre de l'événement Brooklyn-Montréal.

Deux mois après avoir remballé leurs pièces à la clôture du volet montréalais, voilà qu'ils les présentaient de nouveau dans huit galeries du Kings County. Même si elles étaient parfois plus à l'étroit, les oeuvres étaient présentées sensiblement de la même manière qu'à Montréal.

Ici aussi, les pièces de chaque artiste étaient jumelées à celles d'un artiste de l'autre ville. «Cela nous paraissait important de montrer ensemble le travail des artistes de Montréal et de Brooklyn. Autrement, il aurait été extrêmement difficile d'exposer les artistes montréalais que personne ou presque ne connaît ici», souligne Alun Williams, un des principaux coordonnateurs de l'événement et directeur de la galerie Parker's Box, à Williamsburg.

Si l'approche et la méthode sont similaires dans les deux villes, Alun Williams note par contre que Brooklyn offre des défis différents. «On essaie de susciter la curiosité et l'intérêt de la presse ici, mais c'est beaucoup plus difficile qu'à Montréal», admet-il.

Difficile de le contredire. Les huit vernissages associés à l'événement avaient passablement plus de concurrence à New York. Selon une recherche non exhaustive, il y avait plus de 140 vernissages dans toute la ville entre le 10 et le 13 janvier, sans parler des lancements non publicisés ou plus underground.

Deux modèles

«Je pense que le fait de présenter un événement bien coordonné peut susciter un intérêt supplémentaire. J'espère donc qu'il y aura cette curiosité, que l'on va faire parler de nous pour que le travail des artistes soit vu», poursuit M. Williams dans un français impeccable. Jusqu'à présent, l'événement a fait l'objet de quelques mentions dans des publications électroniques.

En plus des expositions, deux rencontres pour discuter des deux villes et de leur rapport à l'art étaient organisées. Naturellement, la question du financement s'est retrouvée au coeur des échanges.

Et, assez étrangement d'un point de vue québécois, les artistes new-yorkais n'envient pas forcément le modèle canadien d'un art en partie soutenu par l'État. «C'est dans notre éducation [de vouloir être autonomes]. Si on n'a rien, on a au moins la possibilité de faire ce que l'on veut», soutient ainsi Steven Brower, artiste qui présentait une sorte de sas à Parker's Box.

«Le fait d'avoir à trouver ma propre manière de subvenir à mes besoins m'a beaucoup aidé dans mon art. Je ne refuserai pas des subventions, mais j'aime autant trouver mes propres solutions», ajoute-t-il en riant.

Les galeristes ont également appris à voir les différences entre les deux cultures. Alun Williams a ainsi été quelque peu stupéfait quand il a appris que le Centre Clark de Montréal - avec qui sa galerie est jumelée - ne possédait pas de liste de prix pour ses artistes. «C'est sans doute la différence entre une galerie commerciale et une galerie qui ne l'est pas», note-t-il.

Le galeriste brooklynois n'était pas au bout de ses surprises. Plus tard, quand il a demandé à Mathieu Beauséjour le prix de ses oeuvres, l'artiste québécois ne pensait même pas pouvoir en vendre. «Mathieu m'a tout de suite répondu: «On ne va pas vendre une vidéo?» Et je lui ai dit qu'on a probablement vendu plus de vidéos ici qu'autre chose. Ce n'est pas du tout invendable. Tous ces détails sont assez révélateurs des différences entre nos deux cultures», croit le coordonnateur.

Le volet brooklynois de l'événement est présenté jusqu'au 2 février dans des galeries de Williamsburg, Dumbo et Bushwick.