Le Brésilien Oscar Niemeyer, décédé mercredi à l'âge de 104 ans, était un fervent communiste amoureux des courbes féminines qui a révolutionné l'architecture.

«Ce n'est pas l'angle qui m'attire. Ni la ligne droite, dure, inflexible. Ce qui m'attire, c'est la courbe sensuelle que l'on trouve dans le corps de la femme parfaite», aimait à dire l'architecte de la nouvelle capitale brésilienne inaugurée le 21 avril 1960 au coeur du pays.

C'est en 1940 que Niemeyer fit la connaissance du futur président Juscelino Kubitschek qui lui donna la «joie», selon lui, de construire Brasilia qui prendrait la place de Rio de Janeiro.

Brasilia a été conçue par l'urbaniste Lucio Costa mais c'est Niemeyer qui en a dessiné les bâtiments phares, un travail pour lequel il a été récompensé par le Pritzker (le Nobel d'architecture) en 1988.

«On voulait faire une architecture différente qui crée la surprise», avait déclaré à l'AFP ce pionnier de l'utilisation du béton adepte de Le Corbusier.

Avec plus de 600 oeuvres à son palmarès et une vingtaine de projets en cours au Brésil et à l'étranger, ce petit homme frêle au regard vif, affirmait qu'il voulait continuer à «surprendre».

«Ce que j'aimerais le plus réaliser maintenant est sans doute le stade de football que j'ai dessiné très récemment et qui a une forme assez surprenante», avait-il dans un entretien par écrit à l'AFP en 2010, à la veille du cinquantenaire de Brasilia.

«Une femme auprès de moi»

Au cours des dernières années, il avait été hospitalisé à plusieurs reprises mais, en février dernier, il avait encore supervisé, juste avant le carnaval de Rio, les travaux de rénovation du Sambodrome où se déroulent les défilés des écoles de samba, qu'il avait érigé il y a 30 ans.

Celui qui fut surnommé «l'architecte de la sensualité» a aussi été un ardent militant communiste, une idéologie qu'il n'a jamais abandonnée: «les profondes disparités sociales que la nouvelle capitale présente m'attristent énormément», avait-il à l'AFP.

Il répétait à la veille de ses anniversaires «qu'avoir plus de cent ans est une merde» et qu'il «n'y a rien à commémorer», sauf de voir que le Brésil est devenu plus «égalitaire depuis l'arrivée au pouvoir d'un ancien ouvrier», l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva.

«Une fois, on m'a demandé ce que je pensais de la vie. J'ai répondu: du moment que j'ai une femme auprès de moi, advienne que pourra!», aimait plaisanter Niemeyer.

Jusqu'à ses derniers jours, il a continué à travailler avec son équipe dans son atelier aux grandes baies vitrées, situé face à la plage incurvée de Copacabana.

«Ne pas accepter la vieillesse»

Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares, né le 15 décembre 1907 à Rio, a fait la rencontre décisive du Français Le Corbusier en 1936, à Rio. Son premier grand travail sera le «Complexe de la Pampulha» (à Belo Horizonte) achevé en 1943.

L'architecte brésilien a participé notamment à la conception du siège des Nations Unies (1952), à New York, et a dessiné le Musée d'art contemporain de Niteroi (1996), près de Rio, célèbre pour sa forme de soucoupe volante.

La France, qui l'a accueilli pendant ses années d'exil alors qu'il fuyait la dictature, compte près d'une vingtaine d'oeuvres, dont le siège du Parti communiste à Paris (1965) et la Maison de la Culture du Havre (1972).

En 1928, il s'était marié avec Annita Bildo avec qui il a eu une fille. Leur union durera soixante-seize ans, jusqu'au décès d'Annita fin 2004.

«J'ai le même intérêt pour la vie que lorsque j'étais jeune. Ma recette, ne pas accepter la vieillesse, penser qu'on a 40 ans et agir comme si», avait-il dit à la veille de ses 100 ans, au côté de Vera Lucia Cabrera (64 ans aujourd'hui), sa secrétaire qu'il avait épousée à 98 ans.