Le Musée de la civilisation propose une saisissante incursion dans l'art du Nigeria, à travers 187 objets en bois, en cuivre et en ivoire. Des objets d'art, de culte, de collection, de tradition, qui regardent les visiteurs dans les yeux, puisqu'il s'agit en grande majorité de masques ou de statues. Expressifs, sauvages, inusités, ces visages dansent et racontent non pas un peuple, mais une quarantaine de peuplades du Nigeria.

Alain Lebas, commissaire de l'exposition Arts du Nigeria, a puisé dans les collections privées de 26 collectionneurs français pour rassembler des objets magnifiques provenant de 44 peuplades du Nigeria. Le pays, qui est le plus peuplé d'Afrique, en compte 250.

«On parcourt des territoires très étendus et des peuples différents qui n'ont pas la même langue, la même culture, les mêmes mythes, explique M. Lebas. Je me fie à ce que je ressens des oeuvres. Ça ne m'intéresse pas de faire une exposition exhaustive, avec un objet qui représenterait chaque ethnie.»

Ornés de peau ou de cornes, de patines, de motifs, les objets sont à la fois des représentations animales et anthropomorphes aux traits grossis, déformés ou complètement éclatés. L'exposition, malgré la richesse ethnologique qu'elle comporte, est assurément artistique. Et elle sera probablement, si on l'en croit Michel Côté, directeur général du MCQ, une exclusivité mondiale, puisqu'on ne prévoit pas la présenter ailleurs pour l'instant.

Multiples cultes

Les objets présentés sont tous associés à des cultes, à des pratiques ancestrales. «Les masques sont en général utilisés pour des cérémonies collectives, dans l'espoir de satisfaire les dieux et les ancêtres. Les masques accueillent l'esprit de l'ancêtre, ce sont un peu des médiateurs entre les morts et les vivants», résume le commissaire.

Devant une statue, qui est en fait un ornement de tambour mbembé, M. Lebas explique que c'est sur cet instrument que l'on pouvait entendre à 15 km de distance que les guerriers coupaient la tête des vaincus. On trouve, tout près, des masques utilisés lors des cérémonies funéraires à la dentition acérée et menaçante.

Le ton n'est pourtant pas morbide. Une vaste table est consacrée aux représentations d'esprits de l'eau et de la brousse. La faune est bien présente; éléphant, antilope, buffle et le mythique léopard font partie intégrante de l'imagerie nigériane. Plusieurs statues rendent aussi hommage à la maternité, à la famille, aux aïeux. À toutes les étapes et les valeurs de la vie humaine.

«Les statues ont des fonctions plus cachées et secrètes, au sein d'une famille ou d'un groupe familial. Certaines étaient vénérées par une population entière, sous l'égide d'un roi», indique M. Lebas. Une colossale statue Igbo de 185 cm aurait été entourée d'une trentaine d'enfants et de serviteurs de bois dans la demeure d'un guérisseur.

Arts du Nigeria, jusqu'au 21 avril 2013, au Musée de la civilisation de Québec.